Commentaire de la continuité sublime – page 6

Commentaire de la continuité sublime – page 6

[Les états]

47.
[Les états] impur, à la fois pur et impur, et parfaitement pur,
Sont appelés dans l’ordre
Êtres ordinaires, bodhisattvas,
Et Tathagata.

Qu’est-il montré dans cette stance ?

48.
L’élément résumé par
Les six points précédents,
Est présenté au moyen de trois noms
Correspondant aux trois états.

L’élément non souillé décrit en détail par le Victorieux transcendant dans de nombreux écrits est ici résumé en six points : essence, cause, fruit, activité, dotation et manifestation. Ses trois états devront être connus respectivement par l’enseignement de trois noms :

-En l’état impur, il est nommé « élément des vivants »

-En l’état à la fois pur et impur, il est nommé « bodhisattva »

-En l’état parfaitement pur, il est nommé « Tathagata »

Le Bienheureux a dit [dans L’enseignement de la non-diminution et non augmentation]:

Shariputra ! Ce corps de réalité recouvert par myriades des enveloppes des passions, emporté par le flux du cycle des existences -le cycle sans commencement ni fin des naissances et des morts et des destinées- est appelé « élément des vivants ».
Shariputra ! Ce corps de réalité lassé des souffrances de la continuité du cycle, détaché de tous les objets du désir, pratiquant pour l’éveil les quatre vingt quatre mille enseignements du Dharma que résument les dix perfections, est appelé « bodhisattva ».

Shariputra ! Ce corps de réalité entièrement libéré de toutes les enveloppes des passions, ayant transcendé toute souffrance, libéré de toutes les impuretés des perturbations secondaires, demeurant dans la vraie nature de complète pureté, dans la suprême pureté, établi sur les terres qui devraient être vues par tous les êtres, ayant acquis la puissance d’un grand être au-delà de la dualité de tous les niveaux de connaissance, muni de qualités sans voiles et du pouvoir du Puissant qui sans obstacles contrôle tous les phénomènes, est le « Tathagata », « l’Arhat », « le parfait et complet Bouddha ».

Ensuite, nous avons une stance sur le thème de l’omniprésence de l’élément spirituel, dans des trois états.

[L’omniprésence]

49.
Tout comme l’espace est par nature
Omniprésence sans pensées,
La nature de l’esprit – immensité immaculée –
Est présente en tous lieux.

Qu’est-il montré dans cette stance ?

50.
Ses caractéristiques universelles imprègnent les défauts,
Les qualités et l’ultime,
Tout comme l’espace pénètre tous les aspects des formes,
Inférieures, moyennes ou sublimes.

Puisque la nature non conceptuelle de l’esprit est la caractéristique universelle des êtres ordinaires, des nobles et des parfaits et complets bouddhas, elle est indifférenciée, permanente et identique dans les trois états qu’elle imprègne, caractérisés par les fautes, les qualités ou l’ultime perfection des qualités, tel l’espace [pénétrant] un récipient de terre, de cuivre ou d’or, respectivement.

C’est pourquoi il a été dit [dans le même soutra], immédiatement après l’explication des trois états :

Par conséquent, Shariputra, bien que l’élément des vivants soit [nommé] autrement, il n’est pas autre chose que le corps de réalité. L’élément des vivants lui-même est le corps de réalité et le corps de réalité lui-même est l’élément des vivants. En vérité, ils ne sont pas deux, seule la lettre diffère.

L’élément du Tathagata omniprésent dans ses trois états n’est pourtant pas affecté par les souillures des perturbations ou la purification.
Les quatorze stances suivantes, dont on connaîtra le sens résumé [par la première d’entre elles] concernent ce point de l’immutabilité :

[L’immutabilité]

51.
Puisque les fautes sont adventices
Et ses qualités naturelles,
Telle avant, telle après,
La vraie nature est immuable.

Les états impur, et pur et impur, porteurs de perturbations primaires et secondaires [par nature] adventices, sont présentés respectivement par douze stances puis par une. La quatorzième stance concerne l’état d’extrême pureté : puisque cet état possède naturellement les qualités indifférenciées du Bouddha qui ne peuvent être connues séparément, qui sont inconcevables et plus nombreuses que les grains de sable du Gange, l’élément du Tathagata est tel l’espace, immuable, avant comme après.

Qu’est-il dit de ce caractère immuable dans les douze stances qui présentent l’état impur ?

[L’état impur]

52.
Tout comme l’espace omnipénétrant
N’est pas souillé du fait de sa subtilité,
Cette présence en tous les êtres
N’est pas non plus souillée.

53.
De même que tous les mondes
Sont produits et détruits dans l’espace,
En l’étendue non composée
Sont produites et détruites les facultés des sens.

54.
Tout comme l’espace par les feux du passé,
Jamais ne fût brûlé,
Cet [essence] n’est pas consumée
Dans les feux de la mort, de la maladie et du vieillissement.

55.
La terre s’appuie sur l’eau,
Et l’eau s’appuie sur l’air qui s’appuie sur l’espace.
L’espace ne s’appuie ni sur l’air,
Ni sur l’eau, ni sur la terre.

56.
Les agrégats, les constituants et les sens
Reposent sur les actes et les perturbations ;
Les actes et les perturbations
Reposent toujours sur l’activité erronée du mental.

57.
L’activité erronée du mental
Repose elle-même sur la pureté de l’esprit.
Mais la nature de l’esprit
Ne repose sur aucun phénomène.

58.
Sachez que les agrégats, les sources sensorielles et les constituants
Sont tel l’élément terre ;
Sachez que les actes et les passions de ceux qui ont un corps
Sont tel l’élément eau.

59.
Voyez que l’activité erronée du mental
Est tel l’élément air.
La nature [de l’esprit], sans fondement ni demeure,
Est semblable à l’élément espace.

60.
L’activité mentale erronée
S’appuie sur la nature de l’esprit ;
De l’activité mentale erronée
Procèdent tous les actes et toutes les perturbations.

61.
De l’eau des actes et des perturbations
Proviennent les agrégats, les sources sensorielles et les constituants,
Qui naissent puis disparaissent
Comme s’élèvent et sont détruits [les mondes].

62.
La nature de l’esprit est pareille à l’élément espace :
Sans causes ni conditions.
Non-agrégation, elle est non-née,
Indestructible et sans durée.

63.
La nature de l’esprit est claire lumière,
Pareille à l’espace, immuable ;
Par le désir et autres passions adventices,
Nés de conceptions fausses, elle n’est pas affectée.

La vraie nature de l’immutabilité de l’essence du Tathagata en l’état impur est enseignée par cet exemple de l’espace.

64.
Les eaux des actes et des perturbations, ou quoi que ce soit d’autre,
Ne la produisent pas,
Pas plus que ne l’altèrent
Les feux intenses de la mort, de la maladie et du vieillissement.

La production du monde des agrégats, des constituants et des sources sensorielles, issue de l’eau des actions et passions, et dont la source est le cercle du vent de l’activité mentale erronée, n’altère pas l’espace de la nature de l’esprit. De même, on saura que la nature de l’esprit est indestructible, malgré l’activité mentale aberrante, malgré l’accumulation du vent et de l’eau des actes et passions, et en dépit de l’émergence des feux de la mort, de la maladie et de la vieillesse, qui détruisent le monde des agrégats, constituants et sources sensorielles.

Ainsi, à l’état impur, alors que les perturbations, les actes, et toutes les souillures de la naissance sont produites et détruites à l’instar du monde réceptacle, il est enseigné que la vraie nature de l’essence inconditionnée du Tathagata, comme l’espace, est sans naissance, sans cessation, et immuable.
Cette métaphore de l’espace, « Ouverture à la lumière de la doctrine, entrée dans la pureté naturelle »1L’intitulé d’un des chapitres de L’enseignement du trésor de l’espace, devra être comprise en détail selon les soutras. [Il est dit dans L’enseignement du trésor de l’espace]:

Grands sages ! Les passions sont ténèbres,
La pureté est lumière !
Les passions sont faibles,
La vision pénétrante est puissante !
Les passions sont adventices,
La pureté naturelle est la base !
Les passions sont imaginaires,
La nature ne l’est pas !

Grands sages ! C’est ainsi :
Cette grande terre s’appuie sur l’eau,
L’eau s’appuie sur l’air,
L’air s’appuie sur l’espace,
Mais l’espace est sans appui !

Aussi, de ces quatre éléments, l’élément terre, l’élément eau, l’élément vent, et l’élément espace, l’espace est celui qui détient les forces: il est permanent, inébranlable, sans diminution, sans naissance ni cessation et demeure de lui-même. Les trois autres éléments, soumis à la naissance et à la destruction, ne sont pas établis et ne durent pas longtemps. On voit sur eux de profonds changements tandis que l’espace ne subit pas la moindre variation.
De la même manière, les agrégats, les constituants et les sources sensorielles reposent sur les passions. Les actes et les perturbations reposent sur les activités mentales erronées et les activités mentales erronées s’appuient sur la parfaite pureté naturelle. C’est pourquoi il est dit : « la nature de l’esprit est claire lumière, troublée par les perturbations adventices.»
Aussi, tous ces phénomènes, activité mentale erronée, actes et perturbations, agrégats, constituants, et sources sensorielles, naissent d’une agrégation de causes et de conditions. Ils cessent avec l’affranchissement des causes et conditions ! Mais la nature [de l’esprit] est sans cause, sans conditions, sans agrégation, sans naissance et sans cessation ! Elle est semblable à l’élément espace. L’activité mentale aberrante est semblable à l’élément air. Les actes et les perturbations sont semblables à l’élément eau. Les agrégats, les constituants et les sources sensorielles sont semblables à l’élément terre ! Par conséquent, il est dit : « Tous les phénomènes sont dépourvus de racine. Ils ont pour racine l’absence d’essence ! Ils ont pour racine l’absence de fondation ! Ils ont pour racine la pureté ! Ils ont pour racine l’absence de racine ! »

Concernant le caractère immuable en l’état impur, il a été expliqué que la nature de l’esprit est semblable à l’espace ; que l’élément air et l’élément eau, parce qu’ils possèdent des caractéristiques causales, sont semblables, respectivement, à l’activité du mental erroné, aux actes et aux perturbations, et que les perturbations ont pour support l’activité du mental erroné. Enfin, il a été montré que les agrégats, les constituants et les sources sensorielles qui en proviennent, en raison de leurs caractéristiques de pleine maturation sont semblables à l’élément terre.

Les causes de destruction, les trois feux de la mort, de la maladie et de la vieillesse, n’ont pas encore été présentées : considérées comme des calamités, elles s’apparentent à l’élément feu.

65.
Les trois feux,
De la fin des temps, des enfers, et ordinaire,
Seront connus dans l’ordre
Tels les feux de la mort, de la maladie, et de la vieillesse.

On saura que la mort, la maladie et la vieillesse sont semblables au feu pour trois raisons, respectivement :

1) L’annihilation des six sphères sensorielles [jusque là conçues comme] un soi

2) L’expérience de diverses souffrances

3) La complète maturation des formations conditionnées.

On saura aussi que l’élément du Tathagata, même en l’état impur, n’est pas changé par les trois feux de la mort, de la maladie et de la vieillesse.
Concernant ce point, Il est dit [dans le Rugissement de lion de la princesse Srimala]:

Ô Bienheureux ! « Mort » et « naissance », ne sont que des conventions mondaines.
Ô Bienheureux ! Ce qu’on appelle « mort », c’est la cessation des facultés des sens.
Ô Bienheureux ! Ce qu’on appelle « naissance », c’est l’acquisition de nouvelles facultés des sens.

Ô Bienheureux ! L’essence du Tathagata n’est pas soumise à la naissance, à la mort, à la transmigration puis à une nouvelle naissance. Pourquoi cela ?
Ô Bienheureux ! L’essence du Tathagata transcende la sphère de caractére conditionné : Elle est par nature permanente, stable, apaisée et immuable.

La stance suivante concerne l’immutabilité en l’état partiellement pur et impur.

[L’état partiellement pur et impur]

66.
Les sages qui ont réalisé la nature telle quelle de [l’élément],
Sont délivrés de la naissance, de la mort, de la maladie et de la vieillesse;
Bien qu’ils soient libérés de ces affres, mais aussi pour cela,
S’appuient sur la naissance et le reste car ils ont généré la compassion à l’égard des vivants.

Qu’est-il montré dans cette stance ?

67.
Les être nobles ont tranché les racines des souffrances
De la mort, de la maladie et du vieillissement,
Nées du pouvoir des actions et passions :
Celles-ci n’étant plus, celles-là ne sont plus.

En l’état impur, la cause substantielle des feux de la vieillesse, de la maladie et de la mort est la naissance semblable à un combustible, que précèdent l’activité mentale erronée, les actes et les perturbations.
En l’état partiellement pur et impur, les bodhisattvas qui ont obtenu un corps de nature mentale réalisent l’absence éternelle de ces feux, puisque n’apparaît plus aucune [de leurs causes].

68.
Voyant [l’élément] tel qu’il est,
Bien qu’ils transcendent la naissance et le reste,
Etant de leur nature compassion,
Ils manifestent cependant la naissance, la maladie, la vieillesse et la mort.

Les bodhisattvas sont liés à l’existence cyclique par des racines de bien. Par compassion, s’appuyant sur le pouvoir de naître selon leur propre volonté, ils se lient aux trois mondes. Bien qu’ils montrent au complet la naissance, la maladie, la vieillesse et la mort, ces phénomènes – de la naissance, etc. – n’existent pas pour eux car ils voient exactement tel qu’il est l’élément sans naissance et sans origine.
L’état [partiellement pur et impur] des bodhisattvas sera connu en détail selon les soutras. Il est dit dans les [Questions de Sagaramati]:

– Quelles sont les perturbations associées aux racines vertueuses qui sont la cause de leur présence dans le cycle ? L’insatisfaction dans la recherche d’accumulation de bienfaits ; le choix délibéré d’une naissance dans le cycle ; la quête d’une rencontre avec les bouddhas ; l’enthousiasme pour la pleine maturation des êtres ; l’accomplissement des efforts [nécessaires] à la parfaite appréhension de la sublime doctrine ; la diligence dans des actions variées au service des vivants; la propension à ne pas se détacher de l’aspiration au Dharma et le maintien des pratiques de toutes les perfections. Sagaramati ! Telles sont les perturbations associées aux racines de bien, qui lient les bodhisattvas [à l’existence cyclique] sans qu’ils ne soient entachés de leurs fautes.
– Ô Bienheureux, puisqu’il s’agit de racines vertueuses, pourquoi sontelles nommées « perturbations » ?
Le Bouddha répondit :
– Sagaramati, c’est ainsi : les bodhisattvas sont liés aux trois mondes par des perturbations de cette nature. Les trois mondes naissent aussi de perturbations ! Les bodhisatvas, en raison de leur expertise dans les méthodes et de la force produite par leurs racines de bien sont liés aux trois mondes de leur propre volonté. D’où l’expression « perturbations associées aux racines vertueuses » ! Cependant, ils sont liés aux trois mondes aussi lontemps que le cycle existe sans que leur esprit soit [affecté] par ces perturbations. Sagaramati ! Par exemple ! Imaginons le fils unique d’un marchant ou maître de maison : beau, charmant, en qui on ne voit rien de déplaisant… Et supposons qu’étant enfant, il tombe au cours d’un jeu dans une fosse remplie d’immondices, que sa mère et quelques membres de la famille qui l’accompagnent, le voient dans cette fosse, puis se mettent à pleurer abondamment, à se lamenter, et à désespérer sans essayer de descendre dans la fosse pleine de fange pour en extraire l’enfant. Imaginons qu’un peu plus tard, le père arrive sur les lieux, découvre son unique fils, au fond dans ces ordures, que cette vision fasse naître en lui l’implacable désir de le secourir au plus vite, et que sans aucune révulsion ni dégoût, il entre rapidement dans la fosse et enfin l’en retire.
Sagaramati, cet exemple est donné afin de révéler un point particulier.
Quel est-il ? Sagaramati, « une fosse remplie d’immondices » est une métaphore qui désigne les trois mondes d’existence et « fils unique » en est une autre qui désigne les êtres. C’est parce qu’ils considèrent tous les vivants comme leur fils unique que les bodhisattvas en restent proches.
« La mère et les proches » est une parabole pour les adeptes du véhicule des auditeurs et des bouddhas-par-soi, qui, affligés de voir les vivants tombés dans le cycle des existences, se lamentent sans avoir le pouvoir de les tirer de là. « Le marchand ou le maître de maison » est une parabole pour les bodhisattvas totalement purs, dont l’esprit est immaculé, sans taches, qui perçoivent directement la réalité non conditionnée, mais qui pour amener les êtres à pleine maturation, se lient aux trois mondes de leur propre volonté. Sagaramati ! Bien que dégagés de toute entrave, ils sont liés au cycle en lequel ils reprennent naissance. Ceci est la grande
compassion des bodhisattvas pénétrés de l’habileté dans les méthodes et de discernement : les passions ne les atteignent pas et ils enseignent aux vivants la doctrine afin qu’ils se libèrent de toutes les entraves des perturbations.

L’état pur et impur est enseigné par cette citation car les bodhisattvas se lient à la naissance de leur propre volonté, par la force de leurs racines vertueuses, munis du pouvoir d’aider autrui et de la compassion, et parce qu’en eux les perturbations sont absentes grâce au double pouvoir des méthodes et du discernement.

Lorsque le bodhisattva obtient la vision de l’élément du tathagata tel qu’il est vraiment, non né et sans origine, il gagne la condition réelle de bodhisattva. On comprendra ce point à partir du même soutra:

Sagaramati ! Voyez que les phénomènes n’ont pas d’essence ! Qu’ils ne sont pas produits et n’ont pas de créateur ! Qu’ils n’ont pas d’être, qu’ils sont sans vie, sans personnalité et dépourvus d’un soi ! A l’instar des désirs, ne les envisagez pas! Quels qu’ils soient, ne les considérez pas ! Sagaramati ! Ces phénomènes ne sont pas autrement, et quels qu’ils soient, ils ne provoquent pas l’aversion des fervents bodhisattvas, qui devenus parfaitement purs, sont munis de la vision de sagesse primordiale de ces phénomènes en lesquels il n’y a ni bienfaisance, ni malfaisance. Ainsi, puisqu’ils connaissent parfaitement la vraie nature des choses telle qu’elle est, ils n’abandonnent pas l’armure de la grande compassion.
Sagaramati ! Prenons pour exemple un précieux joyau de lapis-lazulis à la valeur inestimable, très raffiné, extrêmement pur et immaculé, plongé dans la boue pendant plusieurs milliers d’années. Imaginons qu’après ces milliers d’années, il soit retiré de la boue, frotté, nettoyé et lustré.
Correctement poli, il [révèlerait qu’il] ne perd pas sa véritable essence de joyau pur et immaculé.
Sagaramati ! De la même manière, le bodhisattva connaît parfaitement la claire lumière naturelle de l’esprit des vivants dont il voit cependant qu’elle est souillée par les taches adventices des passions. Alors, le bodhisattva pense en lui-même : « Ces passions ne pénètrent pas la claire lumière naturelle de l’esprit des vivants ! Ces passions sont fortuites et naissent d’imaginations qui ne sont pas réelles ; j’ai le pouvoir d’enseigner le Dharma qui apaise les perturbations des vivants». Ainsi, il ne se décourage pas : en lui s’élève encore l’idée de multiples naissances dans le monde des vivants : « Les passions n’ont pas la moindre capacité, pas de puissance ! Elles sont faibles, sans forces, et n’ont aucune base réelle. Imaginaires, issues des conceptions erronées, examinées telles qu’elles sont réellement par le mental sans erreur, elles ne peuvent devenir agressives.
Je ne leur suis pas moi-même lié, et c’est ainsi que je dois les examiner. Il n’est pas bon d’être lié aux passions et il bon d’en être détaché. Si j’étais lié aux passions, comment enseignerais-je la doctrine aux êtres prisonniers du joug de ces passions afin qu’ils s’en libèrent ? Mais je ne leur suis pas lié, et les ayant abandonnées, j’enseignerai la doctrine aux vivants. Pour amener les êtres à pleine maturité, je dois me lier aux passions pourvues de racines de bien et qui me maintiennent dans le cycle des existences »

Ici, le mot « cycle » vaut pour les trois corps de nature mentale dans l’étendue immaculée, en tant que reflet des trois mondes d’existence. Il s’agit véritablement du cycle parce qu’il est manifestement conditionné par des racines vertueuses non-contaminées ; et c’est aussi le nirvana lui-même car il n’est manifestement pas conditionné par des actes et des perturbations souillées. Dans cette perspective, il a été dit dans le [Rugissement de lion de la princesse Shrimala]:

Ô Bienheureux ! En raison de cela, il y a le cycle conditionné et non conditionné. Il y a aussi le nirvana conditionné et non conditionné.

Puisque que cet état s’accompagne d’une conduite correcte issue d’un esprit où se mêlent conditionné et inconditionné, il est appelé « l’état pur et impur». De plus, en cultivant la grande compassion et la perfection du discernement sans obstacles, le bodhisattva s’oriente vers [la réalisation] des connaissances extraordinaires de l’épuisement des contaminations. Cet état est manifeste sur la terre de bodhisattva appelée « Présence manifeste » où il ne l’actualise cependant pas afin de secourir tous les domaines des vivants.

Concernant la sagesse de l’épuisement des contaminations, il est dit dans les [Questions de Ratnacuda], en relation avec la parabole de la ville2mi’i dpe en tibétain, suite à une erreur dans le texte sanskrit où figure naga (noble personne) au lieu de nagara (ville). Le soutra décrit une vaste cité de plaisirs libérée de toute souffrance à laquelle on parvient par de nombreux et dangereux chemins. Un homme laisse alors son fils unique derrière lui et traversant tous ces chemins parvint aux limites de la ville. Cependant, au moment ou il se retrouve à cheval sur cette limite, il se remémore son fils et submergé par l’amour paternel, soucieux du bien-être de son fils, retourne chercher son fils afin que lui aussi profite de cette ville parfaite. Ce qui suit est l’explication de cet exemple. :

Fils de famille ! De la même manière, le bodhisattva, en raison de son accomplissement basé sur ses immenses efforts, sa grande diligence et son intention supérieure, fait s’élever les cinq connaissances extraordinaires.
L’esprit éclairci par la méditation et les connaissances extraordinaires, il s’approche de l’épuisement des contaminations. Afin de veiller sur tous les vivants sans exception, il pratique sans relâche la sagesse primordiale de l’épuisement des souillures en produisant l’esprit de grande compassion.

Puisqu’il cultive son esprit encore plus avant et qu’en la sixième terre s’élève la sagesse discriminante sans attachement, il s’approche un peu plus de l’épuisement des contaminations. L’état pur du bodhisattva est expliqué de cette manière, par l’obtention de la capacité à manifester l’épuisement des souillures sur la terre de bodhisattva appelée « Présence manifeste ». [Parvenu à ce point, il pense alors :] « Cette compréhension correcte que j’ai moi-même acquise, je dois aussi y conduire autrui ». Animé par la grande compassion, il a le désir de protéger les vivants engagés dans l’erreur ; pratiquant les méthodes qui mènent aux délices de la quiétude mais sans y goûter, il s’approche du nirvana [mais n’y entre pas], par considération pour les êtres qui vont et viennent dans le cycle des existences. Etabli dans les absorptions méditatives pour accomplir les facteurs de l’éveil avec le désir d’agir rapidement et aussi longtemps [que nécessaire] pour le bien des vivants, il assume encore, volontairement, de nouvelles naissances dans le monde du désir, car il a acquis le pouvoir de se manifester sous de nombreuses formes – dont celles du monde animal – et de montrer le corps des êtres ordinaires.

Ceci explique l’état impur [des bodhisattvas].