Commentaire de la continuité sublime – page 3

Commentaire de la continuité sublime – page 3

[La vérité du chemin]

La voie de la vision et de la méditation, la sagesse primordiale non conceptuelle, est la cause d’obtention du corps de réalité du Tathagata nommé « cessation de la souffrance ». On saura, après avoir considéré les trois aspects de ses qualités, que [cette sagesse] ressemble au soleil :

1. Ses qualités s’apparentent à la pureté parfaite de l’orbe [solaire] car elle est libre de toutes les souillures des perturbations secondaires.

2. Ses qualités s’apparentent [à la lumière du soleil] qu éclaire les formes, car elle révèle tous les aspects de la totalité du connaissable.

3. Ses qualités ressemblent à celles du soleil, ce remède aux ténèbres, car elle est l’antidote à tout ce qui s’oppose à la vision de la telleité.

Les obscurcissements proviennent des tendances latentes, de tout ce qui s’en élève et crée le désir-attachement, l’aversion et la confusion, lesquels sont précédés par une activité mentale dont les objets ont pour cause des choses irréelles. Selon les tendances latentes [spécifiques] des êtres, les apparences attractives produisent le désir attachement, la colère provoque l’aversion, et l’ignorance induit la confusion, ceci à l’égard de phénomènes irréels qui n’ont pas cette nature [attractive, repoussante ou obscure]. Si en raison du désir-attachement, de l’aversion et de la confusion, on a pour support objectif des choses qui n’existent pas, l’activité mentale aberrante accapare complètement l’esprit.

Ceux dont l’esprit demeure dans cette activité mentale erronée sont voués aux passions du désir-attachement, de l’aversion ou de la confusion. Sur cette base, ils produisent et manifestent les actes du corps de la parole et de l’esprit dont l’origine est le désir-attachement, l’aversion, et la confusion, qui à leur tour produisent aussi des actes issus du désir-attachement, de l’aversion, et de la confusion. C’est à ces actes et à eux seuls que sont liées les naissances [successives].

C’est ainsi que les êtres puérils porteurs de tendances latentes, qui saisissent des signes et évoluent dans ce support objectif1Cet ensemble de références qui ne sont en réalité que des choses irréelles., génèrent l’activité mentale erronée. De celle-ci proviennent les perturbations, de l’émergence des perturbations découlent tous les actes, et de celle des actes procèdent les naissances. Tous les aspects perturbateurs et empreints de passions des actes et des naissances se manifestent chez les êtres puérils en raison de leur méconnaissance de l’élément spirituel unique tel qu’il est réellement. Dès lors, celui qui recherche ce qu’est l’[élément] doit le considérer comme l’absence de perception du moindre signe2Qui suscite le désir, l’aversion ou la confusion et de tout support objectif. Quand aucun signe caractéristique ou support objectif n’est vu, la perception est correcte.

C’est ainsi, par l’équanimité, que le Tathagata s’est pleinement éveillé à l’égalité des phénomènes. Puisque celui qui ne perçoit aucun signe caractéristique non existant et aucun support objectif, voit la vérité de la réalité telle quelle dans sa présence, il n’y a rien concernant ces deux [points]3Signe caractéristique et support objectif d’une part et vérité ultime d’autre part qu’il faille retirer ou ajouter. Ceci est la plénitude de l’égalité de tous les phénomènes, la sagesse primordiale d’égalité par absence d’attribution4Attribution de caractéristiques fabriquées par le mental (mais inexixtantes) aux objets perçus.. Puisqu’elle se produit chez certains, on saura qu’elle est le remède perpétuellement libre de tout ce qui s’oppose à la vision correcte et à la perception de la non-existence.

Telle est la voie de la vision et de la méditation, la sagesse primordiale non conceptuelle, cause d’obtention du corps de réalité5C’est la sagesse primordiale qui est la cause de sa propre manifestation : elle est donc déjà présente en chacun sur le chemin, sans être manifeste. C’est en ce sens qu’elle est dite « née d’elle-même ». Elle sera connue précisément et en détail selon les soutras de la perfection de sagesse.

[Le joyau de la communauté]

Du joyau du dharma du grand véhicule provient la précieuse assemblée des bodhisattvas sans régression ; il y a donc maintenant une stance sur le joyau de la communauté :

13.
A ceux qui ont vu, l’esprit étant claire lumière naturelle, l’absence d’essence des perturbations,
Qui ont pénétré la quiétude finale de l’absence de soi de tous les êtres,
Qui à la suite du parfait Eveillé, ont le regard de l’intelligence sans voiles
Et la vision de sagesse primordiale dont l’objet est la pureté infinie des vivants,
Avec respect, je rends hommage.

Qu’est-il montré ici ?

14.
Par la pureté du regard de leur sagesse intérieure
Sur les choses telles qu’elles sont et leur diversité,
L’assemblée des sages « sans régression »
Possède des qualités incomparables.
 

Ceci enseigne brièvement que le joyau de la communauté des bodhisattvas sans régression dispose de qualités insurpassables grâce à la pure vision de leur sagesse supramondaine, considérée sous deux aspects : les choses telles qu’elles sont et les choses autant qu’elles sont6C’est à dire sous l’aspect de l’ainsité des choses (unité) et sous celui de leur diversité. L’usage du verbe « être » n’est pas ici, bien entendu, une réfence à l’être des philosophes. On pourrait tout aussi bien remplacer « être » par « apparaître »..

15.
Avec leur réalisation de la vraie nature
Apaisée des vivants, [est] celle du « tel quel »,
Qui est par nature immaculé,
Car les perturbations y sont éteintes depuis toujours.

Ici, il faut comprendre « l’existence [des choses] telles qu’elles sont » comme la réalisation du monde tel qu’il est dans sa totalité, c’est-à-dire en tant qu’ultime absence de soi des personnes et des phénomènes. Cette pénétration du mode indestructible des personnes et des phénomènes, dû à leur paix primordiale essentielle et éternelle, est produite, en bref, par deux causes :

1. Par la vision de la claire lumière naturelle de l’esprit ;

2. Par la vision de la cessation et de l’épuisement originel des perturbations secondaires.

Ces deux aspects, « la claire lumière naturelle de l’esprit » et « les perturbations secondaires », sont très difficiles à comprendre par rapport à l’étendue non souillée, en raison du mode disjoint d’aller et venue7ou exclusif mathématique: c’est à dire que l’esprit vertueux et l’esprit non vertueux s’excluent l’un et l’autre. entre un premier et un deuxième esprit, l’un vertueux et l’autre non vertueux. C’est pourquoi il a été dit [dans le Rugissement de lion de la princesse Srimala] :

Ainsi, Ô Bienheureux, l’esprit vertueux est momentané et n’est pas affecté par les perturbations. L’esprit non vertueux est momentané et n’est pas [non plus] affecté par les perturbations.
Ô Bienheureux, si les perturbations n’affectent pas l’esprit et si l’esprit n’est pas perturbé, comment l’esprit qui n’est pas touché serait-il voilé par les perturbations?
Ô bienheureux, les perturbations secondaires existent et l’esprit est affecté par les perturbations8Le sanskrit du RGVV indique «asty upaklistam cittam» (il y a l’esprit affecté par les perturbations secondaires) et le tibétain est « nyon mongs par ‘gyur ba’i sems ni ma mchis » (d’esprit affecté par les passions secondaires, il n’est point). La version tibétaine du Srimaladevi (Edition de lhassa, folio 449B) et la traduction de Wayman à partir du chinois, du japonais et du tibétain, sont conformes à la version sanskrite du RGVV..
Ô bienheureux, ainsi en va t-il, mais le sens de  perturbations secondaires de l’esprit naturellement pur » est vraiment difficile à comprendre.

On comprendra ce qui précède, depuis « l’existence des choses telles qu’elles sont » jusqu’à « difficile à comprendre », selon l’explication détaillée fournie dans ce soutra.

16.
Par leur intelligence qui pénètre l’ultime profondeur
Des choses connaissables autant qu’elles sont,
Ils voient présente en tous les êtres
La vraie nature omnisciente.

Ici, on comprendra que l’expression « les choses autant qu’elles sont » renvoie à la pénétration finale de tous les connaissables par le discernement supramondain, et que la vision de l’essence de tathagata chez tous les vivants, y compris ceux du monde animal, provient de cette réalisation. Cette vision se produit sur la première terre des bodhisattvas, où est réalisé le mode omniprésent de l’étendue de la réalité9Tib: chos kyi dbyings kun tu ‘gro ba’i don. 

17.
Cette réalisation est la vision
De la sagesse propre à chacun,
Pure dans l’étendue immaculée,
Car sans obstacles ni attachements.

Ici, il est dit que le mode de la présence des choses telles qu’elles sont et autant qu’elles sont, à savoir ce qui est réalisé sur la voie supramondaine, est la vision de sagesse transcendante individuelle propre aux seuls êtres nobles. Comparée à une sagesse limitée, elle est brièvement décrite comme étant la totale pureté pour deux raisons : l’absence d’attachement et l’absence d’obstacles10C’est à dire en l’absence des deux voiles: le voile des perturbations et le voile cognitif.. L’expression « telles qu’elles sont » indique que cette sagesse est sans attachement car son objet est la pureté naturelle de l’élément des êtres ; l’expression « autant qu’elles sont » indique qu’elle est sans obstacles, car son objet est l’infinité des choses connaissables.

18.
Puisque pure est leur vision de sagesse primordiale
Et insurpassable la sagesse primordiale du Bouddha,
Les êtres nobles sans régression
Sont un refuge pour tous les vivants.

Puisque la vision de sagesse primordiale des bodhisattvas résidant en les terres dont on ne revient pas est proche de la pure vision de sagesse primordiale du Tathagata insurpassable ; ou bien, puisque les bodhisattvas sans régression possèdent la vision de sagesse primordiale dont on saura qu’elle est une vertu incomparable qui surpasse l’éthique, le don, et autres excellences, alors, les bodhisattvas sans régression sont un refuge pour tous les vivants.

Après avoir évoqué le joyau de la communauté des bodhisattvas, le soutra ne mentionne pas celle des auditeurs car elle n’est pas digne d’offrandes. Un érudit connaît en effet les spécificités des qualités des bodhisattvas et des auditeurs : [Les premiers] ont emprunté la voie conforme à l’obtention de la pleine lune du Tathagata incomparable : ils portent à la perfection la vaste accumulation de bienfaits et de sagesse primordiale en vue du grand éveil, et muni du mandala de la sagesse discriminante et de la compassion, ils restent proches du monde afin d’illuminer les êtres innombrables. [Les auditeurs] rejettent pour leur part la lune montante des bodhisattvas et leur sagesse est à terme limitée : ils sont tels des étoiles, n’éclairent qu’eux-mêmes et ne sont jamais dignes d’offrandes car leur intention altruiste est impure.
Le bodhisattva, en vertu d’un support authentique, dès la première production de l’esprit d’éveil, surpasse la perfection immaculée des vœux de l’éthique des nobles auditeurs, auxquels manque l’amour qui s’étend à autrui. Et que dire de ses autres qualités, les dix pouvoirs et le reste ! C’est pourquoi il a été dit :

Celui qui a parfait l’éthique pour lui-même
Et qui n’a pas de compassion pour ceux dont la discipline est corrompue,
A pour richesse une éthique d’épanouissement personnel ;
On ne dit pas de cette noble personne que sa displine est complètement pure.

De celui qui a généré la compassion suprême pour autrui,
Qui a adopté l’éthique juste,
Qui pour les autres est tel le feu, le vent, l’eau et la terre,
On dit qu’il possède la vertu, et des autres, qu’il n’en sont qu’un reflet.

Et maintenant, à quelles fins et selon quelles perspectives le Bienheureux a-t-il établi son exposé des trois refuges ?

[Les trois refuges conventionnels]

19.
Selon le maître, l’enseignement et les élèves,
En considération de toutes les inclinations,
Pour les trois véhicules et les trois activités,
Le triple refuge a été établi.

Afin de montrer les qualités de l’instructeur :

Considérant les adeptes du grand véhicule des bodhisattvas qui aspirent à la réalité même de Bouddha, [ou] ceux qui aspirent à mettre en oeuvre l’activité suprême d’un Bouddha, il a dit : « Le Bouddha est le refuge, car il est suprême parmi les hommes ».

Afin de montrer les qualités de l’enseignement :

Considérant ceux qui adoptent le véhicule des bouddhas-parsoi pour https://buddhanature.fr/?page_id=295pénétrer et réaliser par eux-mêmes la profonde doctrine de l’interdépendance, [ou] ceux qui aspirent à mettre en oeuvre l’activité suprême de l’enseignement, il a dit : « Le dharma est le refuge, car il est suprême pour ceux qui sont libres du désir-attachement ».

Afin de montrer les qualités des disciples bien engagés dans l’enseignement du maître :

Considérant les adeptes du véhicule des auditeurs, qui ont adopté les enseignements du maître pour une réalisation fondée sur l’écoute d’autrui, [ou] ceux qui aspirent à mettre en oeuvre l’activité suprême de la communauté, il a dit : « La communauté est le refuge, car elle est suprême parmi les communautés »

Ainsi, avec un triple objectif et selon six perspectives individuelles, cette présentation du Bienheureux établit et enseigne succinctement la classification des trois refuges, énoncée du point de vue de la vérité conventionnelle, afin d’introduire progressivement les vivants dans les [trois] véhicules.

[Le refuge ultime]

20.
Le Dharma sous ces deux aspects,
[Objet] d’abandon, trompeur et non-existant,
Et l’assemblée des nobles, puisqu’elle a peur,
Ne sont pas le suprême et permanent refuge.

Le dharma a deux aspects : enseignement et réalisation.

Le dharma en tant qu’enseignement est l’expression de la doctrine – les soutras, etc. – constituée par l’ensemble des noms, mots et lettres. On le dit semblable à un radeau car son [utilité] prend fin au moment de la réalisation manifeste du chemin.

Le dharma de la réalisation possède également deux aspects distincts, la cause et le fruit, à savoir la vérité du chemin et celle de la cessation, respectivement les moyens de réalisation et ce qui est appelé « la réalisation ».

On comprendra ici que le chemin a pour caractéristique le conditionnement, que tout ce qui présente un caractère conditionné est faux et trompeur, que tout ce qui est faux et trompeur n’est pas vrai ; que ce qui n’est pas vrai est impermanent, et que tout phénomène impermanent ne peut être un refuge.

La cessation réalisée grâce au chemin s’apparente pour les auditeurs à l’extinction d’une lampe et se distingue seulement par l’inexistence (absence ?) des perturbations et de la souffrance. Or, une inexistence ne peut être ni un refuge, ni un non-refuge.

« Communauté » est un mot qui désigne les disciples des assemblées des trois véhicules. La peur les accompagne toujours car ils entrent en le refuge du Tathagata, étudient et recherchent la libération définitive sans avoir [encore] pénétré le complet et parfait éveil suprême. Comment ont-ils peur ? Comme un homme au-dessus duquel le bourreau aurait élevé sa lame, car même affranchis de l’existence cyclique, les arhats restent continûment dans l’effrayant et intolérable conditionnement de toutes leurs formationshttps://buddhanature.fr/?page_id=295 mentales, n’étant pas débarassés de leurs imprégnations. Ils n’ont donc pas atteint la libération définitive qui est perpétuelle félicité. Un refuge ne cherche pas refuge. Les arhats tremblants d’effroi trouvent refuge en le Tathagata lui-même: ils sont pareils à ces êtres privés de protection, qui sont tétanisés par la peur et cherchent à s’en libérer définitivement. Celui qui entre en refuge par peur aspire sans aucun doute à la délivrance de ses frayeurs. Mû par cette quête, il entreprend de se former afin d’éradiquer leurs fondements : grâce à cette étude, il procède sur la voie de l’obtention du sublime état de l’absence de peur et s’engage en vue du complet et parfait éveil suprême.

C’est pourquoi [la communauté] est un refuge secondaire et ne peut être un refuge permanent. Il est donc dit que les deux refuges [du dharma et de la communauté], au plan ultime ne sont pas des refuges.

21.
Le Bouddha pour les êtres
Est l’unique et ultime refuge,
Car le Puissant possède le corps de réalité,
Qui est la finalité de la communauté.

Ainsi, en accord avec ce qui a été expliqué plus haut, puisqu’il se distingue par son absence d’origine et de cessation, le Bouddha détient le corps de réalité libre du désir attachement, caractéristique des deux vérités de complète purification. Puisque la communauté des trois véhicules parachève l’ultime pureté lorsqu’elle parvient finalement à acquérir le corps de réalité, alors, dans un monde sans protection ni refuge, le refuge inépuisable de dernier recours, le refuge permanent, le refuge immuable et réel, est unique : c’est le Tathagata, l’arhat, le parfait et complet Bouddha.

Ce refuge unique, indestructible, permanent et apaisé sera connu en détail selon le soutra du Rugissement de lion de la princesse Srimala.

22.
Par la rareté de leur apparition, leur pureté,
Puissance, sublimité et immuabilité,
Et parce qu’ils sont les parures du monde,
Ils sont rares et sublimes.

En bref, Le Bouddha, le dharma et la communauté sont trois rares et sublimes puisque tels des joyaux, ils ont six qualités :

1. Leur apparition est rare : ceux qui n’ont pas produit de racines de bien ne les rencontrent pas, même à la suite de nombreux âges.

2. Ils sont immaculés car dépourvus de toute forme de souillure.

3. Ils sont puissants car dotés de l’inconcevable pouvoir des six connaissances extraordinaires et autres qualités.

4. Ils sont l’ornement du monde, car ils sont la cause des intentions vertueuses de l’ensemble des êtres.

5. Ils sont sublimes, ô combien supérieurs à l’éclat d’une gemme, car ils transcendent le monde.

6. Les louanges, les blâmes, etc., ne les affectent pas car leur nature n’est pas conditionnée.