Commentaire de la continuité sublime – page 4

Commentaire de la continuité sublime – page 4

[L’origine des trois joyaux]

Juste après la présentation des trois rares et sublimes, il y a une stance sur la source de la pureté mondaine et supramondaine, de laquelle naissent les trois joyaux :

23.
L’ainsité souillée et non souillée,
Les qualités du Bouddha immaculé et l’activité des vainqueurs
D’où apparaissent les trois vertueux rares et sublimes,
Sont les objets de ceux qui voient l’ultime réalité.

Qu’est-il montré dans cette stance ?

24.
La filiation des trois joyaux
Est l’objet de ceux qui voient tout.
Ces quatre aspects pris dans l’ordre
Sont inconcevables pour quatre raisons.

1. L’ainsité souillée, l’élément non libéré de l’enveloppe des perturbations, est ce que l’on appelle « essence de tathagata ».

2. L’ainsité non souillée, caractéristique propre à la complète révélation de la base1Cette traduction du terme sanskrit āśrayaparivṛtti (tib. gnas yongs su gyur pa) est particulière au contexte des enseignements du tathāgatagarbha et justifiée par le commentaire de la première stance du second chapitre, dont l’ainsité souillée fait l’objet. Pour une étude complète de la signification et de l’interprétation de ce terme, voir « Mining for Wisdom within Delusion » – Karl Brunnholzl – Snow Lion publications – 2013 en la terre du Bouddha, est ce que l’on appelle « corps de réalité du tathagata ».

3. Les qualités du Bouddha immaculé, caractéristiques propres à la complète révélation de la base, du corps de réalité du Tathagata, sont les qualités supramondaines d’un bouddha, les dix forces et les autres.

4. Les actes des vainqueurs sont l’activité éveillée incomparable et propre aux qualités des bouddhas – les dix forces et le reste -, qui se déploie sans fin, sans interruption, et annonce continûment la prophétie aux bodhisattvas2La prophétie de leur futur insurpassable éveil.

Puisque ces quatre points pris dans l’ordre sont inconcevables pour quatre raisons, il est dit qu’ils sont l’objet de la sagesse primordiale de l’omniscient. Quelles sont les quatre raisons ?

25
Elle est pure et chargée de passions3Passion est ici une autre traduction de nyon mongs (skt: klesha) jusque là traduit par « perturbations ».,
Dépourvue de passions et pourtant purifiée,
Ses qualités sont indifférenciées
Et son activité est spontanée, dépourvue de concepts4Il est aussi possible, à des fins pédagogiques, de faire une traduction glosée de cette stance, en remplaçant le «Elle» qui se rapporte à la filiation (l’héritage actif et immuable à la fois ?) des trois joyaux, par les quatre points qui la caractérise et que confirme le commentaire : [L’ainsité souillée] est pure et chargée de passions, [L’ainsité non-souillée] dépourvue de passions est [cependant] purifiée, Les qualités [du Bouddha] sont inséparables, [Les actes des vainqueurs] sont non conçus et spontanés..

1. L’ainsité-support souillée est à la fois très pure et affectée par les passions. Ce point est inconcevable, même pour les bouddhas-par-soi qui aspirent à la profonde doctrine, car il n’est pas un objet de leur domaine d’expérience. Pour quelle raison ? Il est dit [dans le Rugissement de lion de la princesse Shrimala] :

Devi ! Ces deux choses sont difficiles à comprendre ! L’esprit pur par nature est difficile à comprendre ! Que ce même esprit soit affecté par les passions est difficile à comprendre !
Devi ! Il n’y a que vous-même ou des bodhisattvas pourvus des plus hautes qualités pour entendre ces deux points.
Devi ! Les autres, les auditeurs et les bouddhas-par soi, ne peuvent comprendre ces deux points que par leur foi en le Tathagata.

2. L’ainsité non souillée, auparavant non affectée par les souillures des passions est cependant purifiée par la suite. Ce point est inconcevable !

Pour quelle raison ? Il est dit [dans le Soutra du roi Dharanishvara]:

L’esprit est claire lumière par nature ; il est connu ainsi, tel quel. C’est
pourquoi il est dit : «Parfait et complet bouddha en l’illumination insurpassable pleine et entière, par le discernement d’un seul instant».

3. Les qualités du Bouddha immaculé existent même au niveau des êtres ordinaires troublés par les passions car elles ne sont pas différentes, avant ou après, de la vraie nature indifférenciée. Ce point est inconcevable.

Pour quelle raison ? Il est dit [dans le Soutra de l’ornementation fleurie] :

Il n’y a pas une seule forme d’être qui ne soit pas totalement pénétrée de la sagesse première du Tathagata. Cependant, en raison de la saisie des discriminations, cette sagesse première du Tathagata ne se manifeste pas; mais affranchie de la saisie des discriminations, la sagesse primordiale omnisciente s’élève d’elle-même sans obstacles.Ô, fils du Vainqueur ! c’est ainsi : « Supposons par exemple qu’il existe un immense tissu de soie de la taille du trichiliocosme, et que soit peint sur cet immense tissu de soie le trichiliocosme dans sa totalité ! Le Grand Horizon5Ou la circonférence de la terre, vue du sommet du mont Meru. serait peint à la taille du Grand Horizon! La Grande Terre serait peinte à la taille de la Grande Terre ! Les systèmes de monde en deux mille seraient peints à la taille des systèmes de monde en deux mille! Les systèmes de monde en un mille seraient peints à la taille des systèmes de monde en un mille ! Le système de monde des quatre continents serait peint à la taille du système de monde des quatre continents ! Le Grand Océan serait peint à la taille du Grand Océan ! Le continent Jambudvipa serait peint à la taille du continent Jambudvipa ! Le continent Videha de l’Est serait peint à la
taille du continent Videha de l’Est ! Le continent Godhanya de l’Ouest serait peint à la taille du continent Godhanya de l’Ouest ! Le continent Uttarakuru du Nord serait peint à la taille du continent Uttarakuru du Nord ! Le mont Sumeru serait peint à la taille du mont Sumeru ! Le palais infini des dieux terrestres serait peint à la taille du palais infini des dieux terrestres ! Le palais infini des dieux du monde du désir serait peint à la taille du palais infini des dieux du monde du désir ! Le palais infini des dieux du monde de la forme serait peint à la taille du palais infini des dieux du monde de la forme !
[Supposons maintenant] que cet immense tissu aussi vaste par sa taille que le trichiliocosme, soit inséré dans une seule et infime particule atomique, et que tout comme cet immense tissu de soie serait inséré à l’intérieur d’une seule et infime particule, il le serait aussi dans toutes les autres particules atomiques sans exception.
Après cela, supposons que s’approche une noble personne, intelligente, érudite, dotée d’un esprit clair et brillant, dont la vision de claire lumière parfaitement immaculée est celle de l’œil divin ! Voyant de cet oeil divin que cet immense tissu de soie en cette infime particule n’est d’aucune aide pour aucun des vivants, elle penserait : « Quel gâchis! Si par mes propres efforts, avec la vigueur de mes forces immenses, j’ouvrais – comme si j’étais muni d’un [ciseau de] diamant – cette infime particule, cet immense tissu de soie, il pourrait soutenir les vivants ! ». Alors, produisant par ses pouvoirs une force gigantesque, il fendrait cette infime particule à l’aide d’un diamant fin : et conformément à ses intentions, l’immense tissu de soie soutiendrait tous les êtres en nombre illimité. Puis il agirait de même pour toutes les autres particules.
Ô, fils des vainqueurs ! De la même manière, la sagesse primordiale du Tathagata, la sagesse illimitée, la sagesse qui soutient tous les êtres, pénètre profondément le continuum de l’esprit de tous les vivants. Tous ces continuums de l’esprit des vivants sont illimités, pareils à la sagesse primordiale du Tathagata ! Cependant, les êtres puérils limités par la saisie des discriminations ne connaissent pas la sagesse première du Tathagata. Ils l’ignorent totalement, ne la constatent pas, n’en font pas l’expérience ! C’est pourquoi, dans sa sagesse primordiale libre d’attachement, le Tathagata voyant en tous les états d’êtres l’immensité de la réalité, a formé
l’intention de devenir leur guide. « Quel gâchis ! Les vivants ignorent la sagesse première du Tathagata telle qu’elle est alors qu’ils en sont totalement pénétrés ! Si je leur enseignais la voie des nobles, j’éliminerais en chacun d’eux les liens de la saisie des discriminations. Tout comme j’ai moi-même, en engendrant les forces de la sagesse première, défait de ces grands nœuds la sagesse première, et atteint par la suite les pouvoirs et l’équanimité de cette sagesse primordiale, de même, grâce à l’enseignement de la voie du tathagata, ils dénoueraient eux-mêmes tous les noeuds produits par les dicriminations ! Et en tous ceux qui seraient libérés des liens créés par les dicriminations, la sagesse primordiale du Tathagata serait un soutient pour tous les vivants en nombre illimité.

4. Les actes des vainqueurs opérent tout le temps et partout; ils sont simultanés, spontanés, non conceptuels, et s’accordent aux [différentes] dispositions d’esprit. Puisqu’ils opèrent à la perfection conformément à la manière dont les êtres doivent être guidés, ce point est inconcevable ! Il est dit [dans le Soutra du roi Dharanishvara] :

Afin d’engager tous les êtres sur la voie, la sagesse première du Tathagata, bien qu’illimitée, est présentée de manière authentique sous une forme abrégée. Cependant, fils de la lignée ! Les actes véritables du Tathagata, inconcevables et sans limites, ne sont pas les objets de la connaissance des mondains. Indescriptibles par les mots, établis dans tous les champs de bouddha, difficiles à accomplir par d’autres, ils sont réalisés dans l’égalité de tous les bouddhas, au-delà de tout engagement et de tout effort, dans l’absence de discrimination de l’équanimité et de l’espace. Ils sont inséparables de l’activité même de l’étendue de la réalité.

[Dans ce même soutra], l’exemple du joyau de lapis lazuli purifié est suivi d’une explication détaillée :

Fils de famille ! On saura par cette énumération que l’activité du Tathagata, inconcevable, est l’obtention subséquente de l’équanimité en tous points dépourvue de défauts, qu’elle est associée aux trois temps et qu’elle est l’activité ininterrompue de la filiation des trois rares et sublimes.
Le corps du Tathagata, bien que totalement engagé dans son inconcevable activité éveillée n’abandonne pas sa nature d’espace : aussi se montre t-il dans tous les champs de Bouddha. Il n’abandonne pas la nature indescriptible de sa parole éveillée : aussi enseigne-t-il le Dharma aux vivants conformément à l’art du langage. Bien qu’il soit libre de toute référence mentale, il connaît parfaitement les dispositions de l’esprit et les pensées de tous les vivants.

26.
L’objet de la réalisation, la réalisation,
Ses attributs et l’activité qui y conduit :
Dans cet ordre, le premier point est la cause à purifier,
Et les trois suivants sont les conditions.

A partir de ces quatre points de sens, [on voit que]:

1. Puisqu’il inclut l’ensemble des phénomènes connaissables, le premier de ces quatre points est ce qui doit être réalisé6L’élément dans son enveloppe, l’ainsité souillée ou essence de tathagata.

2. Puisque l’accomplissement subséquent est la réalisation [du premier point], le deuxième point est l’éveil7L’élément révélé dans sa pureté après purification des voiles: l’ainsité non-souillée.

3. Puisque les attributs de l’éveil sont les qualités du Bouddha, ils sont le troisième point.

4. Puisque les attributs de l’éveil conduisent autrui à la compréhension, l’activité qui amène la réalisation est le quatrième point.

Ainsi, sous l’angle de ces quatre points, on connaîtra la présentation des aspects de la filiation des trois joyaux au moyen de leur cause et conditions.

Parce qu’il est la graine des phénomènes supramondains, le premier de ces quatre points doit être compris comme la cause des trois joyaux, la base d’une purification provenant d’une activité mentale individuelle appropriée. Ainsi, un seul point est la cause.

En quoi les trois suivants sont-ils des conditions ?

Le Tathagata s’étant complètement éveillé, il a manifesté l’authentique et parfait éveil insurpassable. Puis au moyen des dix forces et autres qualités d’un bouddha, il a déployé les trente deux sortes d’activités éveillées du Tathagata. On comprendra qu’il s’agit là des conditions d’apparition des trois rares et sublimes, qui s’appuient sur la complète purification [de l’élément], laquelle est fondée sur la parole d’autrui.Pour cette raison, les trois derniers points sont les conditions8Les trois corps: corps de réalité pour l’éveil, corps d’expérience parfaite pour les qualités, corps d’émanation pour l’activité. Ceci est développé dans les chapitres suivants..

La suite du traité sera connue comme une présentation ordonnée et détaillée de ces quatre points.

[L’élément ou essence de Tathagata]

Quel est le sens, en relation avec l’ainsité souillée, de la déclaration « tous les vivants possèdent l’essence de Tathagata » ?

27.
Parce que le corps d’éveil parfait irradie,
Parce que l’ainsité est indifférenciée,
Parce que la filiation est présente, tous les vivants
Depuis toujours, possèdent l’essence de Bouddha.

La parole du Vainqueur transcendant : « Tous les vivants, depuis toujours, possèdent l’essence de Tathagata » résume le sens de ces trois points.

28.
Parce que la sagesse primordiale du Bouddha pénètre l’ensemble des êtres,
Parce que sa nature immaculée est sans dualité,
Parce que la filiation du Bouddha porte le nom de son fruit9De la même manière que l’on dit du nourrisson du roi qu’il est un « seigneur ».,
Il a été dit que tous les vivants possèdent l’essence de Bouddha.

Ce thème sera expliqué tel qu’il est invariablement enseigné dans tous les textes, selon tous les aspects de son sens: celui du corps de réalité du Tathagata qui irradie en tous les êtres, celui de l’ainsité indifférenciée du Tathagata et celui de la présence de la filiation du Tathagata.

Le sens de ces trois points sera expliqué ci-dessous d’après le Soutra de l’essence de Tathagata.

29.
L’essence, la cause, le fruit, l’activité, les attributs, la manifestation,
Les états, l’omnipénétration,
L’inaltérabilité et l’indifférenciation des qualités :
« Tels sont les points de la compréhension de l’étendue ultime10don dam dbyings; «dbyings» est avec «khams» l’une des traductions tibétaines du sanskrit dhātu. « dbyings » est traduit la plupart du temps par sphère, espace, dans le sens d’ouverture, d’étendue ou d’immensité supramondaine. Dans ce contexte, il désigne l’aspect extraordinaire, véritable et ultime de l’élément (khams), la quatrième base vajra en tant que dharmadhātu (ce que confime le commentaire). »

On saura que le domaine véritable de la sagesse première de l’ainsité, l’élément du Tathagata, est présenté brièvement dans tous ses aspects selon les dix composantes de son sens. Quels sont-elles ? L’essence, la cause, le fruit, l’activité, la dotation [des qualités], la manifestation, ses différentes phases, l’omnipénétration, l’inaltérabilité et l’indifférenciation. Il y a maintenant une stance sur les thèmes de l’essence et de la cause :

30.
Pure comme un joyau, comme l’espace ou comme l’eau,
Sa nature est toujours dépourvue de passions.
Elle s’élève de l’aspiration au Dharma, de l’excellent discernement,
De la contemplation et de la compassion.

Qu’est-il montré dans la première moitié de cette stance ?

31.
Puisqu’il est puissant, inaltérable,
Et humide en sa nature essentielle,
Ses qualités s’apparentent à celles du joyau d’abondance,
De l’espace et de l’eau.

Ces trois points ont déjà été mentionnés. On saura que du point de vue de ses caractéristiques particulières et générales, l’élément du Tathagata possède des qualités semblables à celles du joyau d’abondance, de l’espace et de l’eau, dans cet ordre.

Sous l’angle de son caractère propre et essentiel, dont le pouvoir d’accomplir les desseins [de chacun], on saura que le corps de réalité du Tathagata est semblable au joyau d’abondance.
Sous l’angle de son caractère propre et essentiel d’inaltérabilité, on saura que l’ainsité est semblable à l’espace.

Sous l’angle de son caractère propre et essentiel, imprègner les vivants de son amour compatissant, on saura que la filiation du Tathagata est similaire à l’eau.
Ici, on retiendra de la caractéristique générale de pureté naturelle et d’absence de passions de ces [trois points], que [l’élément du Tathagata] est pourvu des qualités parfaitement pures de l’espace, de l’eau, et de la gemme à souhaits.

Maintenant, qu’est-il montré dans la seconde moitié de la stance [30] ?

[Les trois types de vivants]

32.
L’aversion pour la doctrine, la vue d’un soi,
La peur des souffrances du cycle
Et le désintérêt pour le bien des vivants,
Sont les quatre voiles des hédonistes, des hétérodoxes11anyatirthya; Ruegg p.270 et Burnouf, « Introduction à l’histoire du bouddhisme indien » Vol1. P.158., des auditeurs et des bouddhas-par-soi.

33.
Les causes de purification
Sont les quatre qualités :
L’aspiration supérieure
Et les autres.

La multitude des vivants se résume à ces trois sortes d’êtres :

1. Ceux qui ont soif du devenir

2. Ceux qui ont soif de s’en libérer

3. Ceux qui n’ont pas soif de ces deux.

Les vivants assoiffés de devenir sont de deux sortes :

1.1 Certains, qui sont hostiles à la voie de la libération, ont une disposition12tib: rigs can. Il ne s’agit pas ici de la filiation pure mais d’un état voilé de celle-ci. Tous les vivants dont la filiation est en cet état constituent une famille de même disposition d’esprit. On notera que cette restriction est temporaire car limitée dans le temps (voir commentaire de la stance 38). Il n’y a au plan ultime qu’une seule filiation, celle de bouddha, qu’un seul véhicule et qu’un seul fruit, le complet et parfait éveil. [d’esprit] qui ne permet pas de passer dans le complet audelà des peines : assoiffés du samsara, ils n’aspirent pas au nirvana.

1.2 Il y a aussi les adeptes de l’enseignement qui sont définitivement tombés [dans la première catégorie], dont certains répugnent à la doctrine du grand véhicule. Le Victorieux transcendant a en dit [dans l’Enseignement de la non-diminution et non augmentation]:

Je ne suis pas leur enseignant, ils ne sont pas non plus mes auditeurs.
Shariputra ! Ils vont des ténèbres à de plus vastes ténèbres; on dit d’eux qu’ils sont imprègnés par de grandes ténèbres.

Les vivants qui souhaitent s’affranchir du devenir sont aussi de deux sortes:

2.1 Ceux qui se sont engagés sans méthode

2.2 Ceux qui se sont engagés avec méthode

Ceux qui manquent de méthode sont de trois sortes :

2.1.1 Les non-bouddhistes «cārvāka», «parivrājaka», «nirgrantha», et les hétérodoxes de toutes sortes ;

2.1.2 Il y a ceux qui bien qu’ayant adopté la doctrine et possédant la foi, concoivent des certitudes, adoptent des perspectives difficiles [à tenir] et se comportent comme des hétérodoxes. Qui sont-ils? Ce sont les personnes qui ont la vue d’une individualité et n’ont pas d’intérêt pour l’authentique réalité. Le Victorieux transcendant a dit d’eux :

Ceux que la vacuité n’intéresse pas ne sont pas différents des hétérodoxes.

2.1.3. Mais il y a aussi ceux que la vue de la vacuité emplit d’une arrogante fierté. De quiconque transforme la vacuité, [l’une des trois] portes de la libération, en vue de la vacuité, [le Bouddha a dit]:

Kāśyapa ! Ceux qui ont une vue de la personne de la taille du mont
Mérou ne sont pas pire que les orgueilleux qui ont une vue de la vacuité.

Les vivants engagés avec méthode sont de deux sortes :

2.2.1 Engagés avec conviction dans le véhicule des auditeurs.

2.2.1 Engagés dans le véhicule des bouddhas-par soi.

3. Enfin, il y a ceux qui sont vraiment détachés des deux cas précédents :

Ce sont les êtres aux facultés les plus aiguisées, qui demeurent véritablement dans le grand véhicule. Ils n’ont pas soif du devenir comme les hédonistes, et ne sont pas comme les hétérodoxes engagés sans méthode, ou comme les auditeurs et les bouddhas-par-soi dotés d’une méthode. Ils empruntent la voie de l’obtention de l’égalité du samsara et du nirvana. Le samsara entièrement dépourvu de passions est le support de leur activité; le nirvana sans demeure est le support de leur contemplation ; leurs racines parfaitement pures sont solidement établies sur la stabilité de leur compassion et de leur motivation altruiste.
Ici, [dans cette classification], les vivants qui ont un grand désir de devenir, et ceux qui parmi eux, bien qu’ils aient adopté la doctrine, sont tombés [dans ce même attachement], sont appelés « groupe des êtres attachés à l’erreur ».
Ceux qui n’ont pas de méthode bien qu’ils désirent se libérer du cycle sont appelés « groupe des êtres indéterminés ».

Enfin, les vivants qui désirent se libérer de l’existence cyclique par la méthode et ceux qui sont complètement détachés [du devenir et de la libération], avançant sur le chemin de la réalisation de l’égalité [du samsara et du nirvana], sont appelés « groupe des êtres établis avec certitude dans ce qui est correct. »

Par conséquent, à l’exception des vivants véritablement établis dans le grand véhicule, dont la compréhension est dépourvue de voiles, il y a quatre sortes d’êtres : les hédonistes, les hétérodoxes, les auditeurs et les bouddhas-par-soi. Chez ceux qui ne pénètrent pas l’élément du Tathagata13Tib: de bzhin gshegs pa’i khams, quatre voiles interdisent sa perception directe. Quels sont-ils ?
 

[Les quatre obstacles]

1. Le voile des hédonistes, l’hostilité aux enseignements du grand véhicule. Son antidote est l’entraînement à l’aspiration aux enseignements du grand véhicule pratiqué par les bodhisattvas.

2. Le voile des autres hétérodoxes, la vue d’un soi des phénomènes. Son antidote est l’entraînement à la perfection du discernement des bodhisattvas.

3. Le voile des adeptes du véhicule des auditeurs, qui connaissent bien la souffrance du cycle et en sont effrayés. Son antidote est l’entrainement aux absorptions des boddhisattvas, dont celle du « Trésor du ciel ».

4. Le voile des adeptes du véhicule des bouddhas-par-soi, qui n’ont pas d’intérêt pour le bien des vivants et s’en détournent. Son antidote est l’entraînement à la grande compassion des bodhisattvas.

Tels sont les quatre voiles correspondant aux quatre types de personnes. Par l’entrainement aux quatre bienfaits de leurs antidotes respectifs, la grande aspiration et les autres, les bodhisattvas atteignent le but insurpassable, le corps de réalité, la perfection immaculée. Ceux qui détiennent les quatre causes d’accomplissement des quatre purifications deviendront dans la famille des tathagatas les fils du Souverain du Dharma. De quelle manière ?

34.
Ceux dont le germe est l’aspiration au véhicule suprême,
Qui ont pour mère le discernement source des qualités du Bouddha,
Pour matrice le bonheur de la méditation et pour nourrice la compassion,
Ceux-là sont les fils, successeurs du Bouddha.

Sur [l’élément en termes] de « fruit14Remarquons que l’évocation de l’élément en termes de fruit est incluse dans l’exposé sur la manière de devenir successeur du bouddha et associée à l’activité de l’élément. » et « d’activité », il y a la stance suivante :

35.
Le fruit est la perfection des qualités
De pureté, de soi, de félicité et de permanence
Il implique15(tib. las can) ce qui signifie littéralement « muni des actes ou possède l’action » et qui est souvent traduit par « à pour fonction ». « Impliquer » suggère mieux une action inévitable et «automatique» du fruit qui n’est pas « motivée » par une logique, une intention déterminée, ou le fait de remplir une fonction précise. Il n’y a pas de logique dans le rejet de la souffrance : c’est une sorte de connaissance implicite du fruit, du bonheur de la libération, qui provoque le rejet de tout ce qui n’est pas lui et renforce le souhait d’y parvenir. le rejet de la souffrance,
L’aspiration à obtenir la paix et le souhait [de la réaliser].

Qu’est-il montré dans la première moitié de cette stance ?