Commentaire de la continuité sublime – page 8

Commentaire de la continuité sublime – page 8

 

[Les neuf analogies]

Afin de faire connaître la vraie nature permanente et semblable à l’extrême du temps, l’essence de tathagata a été expliquée et présentée selon les dix aspects de son sens.

En considérant que depuis des temps sans commencement, l’enveloppe des perturbations, par sa nature, en est proche et déconnectée, [tout autant] que la vraie nature pure, en essence, en est proche et liée, on comprendra par neuf analogies tirés des soutras, que l’essence de Tathagata est enfouie sous les myriades d’enveloppes des passions. Quels sont ces neuf analogies ?1Cette section, qui reprend les neuf analogies du Soutra de l’essence de Tathagata, marque un changement brutal dans la métrique et la forme du texte racine, qui condense en vers ce qui est développé en prose dans le soutra. On a tenté de rendre au mieux certaines formulations « très lourdes » du sanskrit et du tibétain.

99
Comme le Bouddha dans un lotus flétri, le miel sous les abeilles,
100
Le grain dans sa balle, l’or dans les saletés,
Un trésor dans le sol, le germe [issu] d’un petit fruit,
Une effigie du Vainqueur enveloppée dans des chiffons,
Un maître des hommes dans la matrice d’une pauvre femme,
Ou une précieuse statue [recouverte de] terre :
L’élément est en les êtres,
Voilé par les souillures des perturbations adventices.

101
Le lotus, les insectes, la balle, les immondices, le sol, le fruit,
Les habits lacérés, la femme misérable brûlée de douleur et la terre ressemblent aux souillures ;
Le Bouddha, le miel, le grain, l’or, le trésor, le banyan, la statuette,
Le puissant roi du monde, la précieuse statue, ressemblent au sublime élément immaculé.

[Le lotus fané]

Les passions sont comme la robe flétrie d’un lotus, l’élément du Tathagata est tel le Bouddha2le tibétain indique de bzin gshegs pa’i khams ni padma lta bu ste (tel le lotus), ce qui semble être une erreur puisque le sanskrit est buddhavat tathāgatadhātur iti (tel le Bouddha) :

102
En le lotus aux couleurs défraîchies,
Rayonne le Tathagata irradiant mille marques.
L’ayant vu, l’homme à la pure et divine vision
Le retire de sa gangue de pétales de lotus.

103
De même, Le Sugata, avec l’oeil d’un bouddha,
Voit sa propre nature, même chez ceux des Tourments Incessants3L’enfer Avīci.
Compassion incarnée sans obstacles jusqu’à la fin des temps,
Il les libère de leurs voiles.

104
De même que l’homme à la vision divine, qui voit
Un Sugata en un lotus hideux et clos, en coupe les pétales,
De même le Puissant, qui voit dans les vivants l’essence du parfait Bouddha prise dans la gangue des souillures de l’attachement, de l’agressivité et des autres poisons,
Par compassion élimine ces voiles.

[L’essaim d’abeilles]

Les passions sont semblables à un essaim d’abeilles, l’essence du tathagata est pareille au miel :

105
Une personne habile, voyant le miel qu’elle désire
Cerné par un groupe d’abeilles,
Avec méthode de l’essaim
Sépare celui-ci.

106
De même, Le Grand Sage qui voit de son œil omniscient
L’élément du Tathagata4Le RGV donne rig khams sbrang rtsi dang ‘dra (?), le RGVV rigs khams sbrang rtsi dang ‘dra (?) et le sanskrit kṣaudravat tathāgata dhātur iti pareil au miel,
A jamais élimine les voiles
Aux abeilles semblables.

107
Un homme qui convoite du miel caché sous des millions d’abeilles,
Les disperse et dispose du miel ainsi qu’il le désire.
La sagesse immaculée présente en tous les êtres est semblable au miel,
Les passions sont comme les abeilles, et le Vainqueur habile à les détruire est similaire à l’homme.

[Le grain dans sa balle]

Les passions sont semblables à la balle extérieure, l’élément du Tathagata est tel le grain à l’intérieur :

108
Le coeur du grain pris dans sa cosse
Est inutilisable par les hommes :
Ceux qui veulent s’en nourrir
Le retirent de sa balle.

109
L’activité du Vainqueur dans les trois mondes ne s’appliquera pas
Tant que [l’essence] d’un Vainqueur,
Présente en les vivants, mêlée aux taches des passions,
N’aura pas été libérée de ce mélange impur.

110
De même que des grains de riz, de blé noir ou d’orge, avec leur barbe,
recouverts de leur balle,
Ne peuvent fournir aux hommes de succulentes nourritures,
Le Maître du Dharma présent en tous les êtres, son corps pris dans la
gangue des perturbations,
Ne peut offrir le goût réjouissant de la doctrine aux êtres tenaillés par
la faim des passions.

[L’or dans les immondices]

Les passions ressemblent à un lieu plein d’immondices, l’élément du Tathagata est comme l’or :

111
Bien que tombé en un lieu d’immondices,
L’or égaré d’un voyageur,

112
Aux qualités indestructibles,
Restera pur des centaines d’années
Jusqu’à ce qu’un dieu au pur regard divin
Aperçoive cet or et dise alors aux hommes :
« L’or qui se trouve là est de grande valeur :
Nettoyez-le et utilisez-le comme un trésor ! »

113
De même, voyant les qualités des êtres
Enfouies sous les perturbations pareilles aux immondices,
Le Puissant verse sur les vivants la pluie du vrai Dharma
Afin de les laver de la boue des passions.

114
L’être divin qui voit l’or égaré parmi les immondices
Montre avec insistance à l’homme son extrême beauté afin qu’il la révèle dans toute sa pureté.
De même, le Vainqueur qui voit en chacun le parfait et précieux Bouddha
Tombé dans l’immense souillure des passions, enseigne aux êtres le Dharma afin qu’ils [en révèlent] la pureté.

[Le trésor sous la maison]

Les passions ressemblent au sous-sol, l’élément du tathagata est tel un trésor de joyaux :

115
Un inépuisable trésor
Se trouve enfoui sous la maison d’un pauvre homme :
Mais l’homme ne le sait pas
Pas plus que le trésor ne lui dit : « je suis ici »

116
De même se trouve en l’esprit un trésor de joyaux :
Immaculé, sans [rien y] ajouter, ni [rien] en retirer, il est la vraie nature.
Ne le percevant pas, les hommes éprouvent continûment
Les nombreuses douleurs et souffrances de cette pauvreté.

117
Tel un trésor de joyaux dans la maison d’un pauvre
Qui ne dit pas où il se trouve, et dont l’homme se sait rien,
Une fortune de qualités se trouve dans la maison de l’esprit des vivants qui sont pareils au pauvre :
Les sages parfaits viennent au monde afin qu’ils y accèdent.

[Le germe sous la peau du fruit]

Les passions ressemblent à la peau du fruit, l’élément de Tathagata est comme le germe de la graine :

118
Dans le fruit du manguier ou celui d’autres arbres
Est le germe de la graine aux qualités indestructibles.
Grâce au labour, à l’eau et au reste,
Il établit progressivement le roi des arbres lui-même.

119
A l’intérieur, sous la peau du fruit, sous l’ignorance des vivants,
Est la vertu, domaine des qualités.
Ainsi, grâce à ce qui est bon,
Elle devient progressivement la réalité du Puissant Souverain.

120
L’eau, la lumière du soleil, le vent, la terre, le temps et l’espace,
Sont les conditions qui sous la peau des fruits du manguier font naître le grand arbre.
De même, le germe de la graine du parfait Bouddha, sous la peau du fruit des passions,
Placé dans des conditions de vertu, fait émerger et croître le Dharma.

[La précieuse effigie dans les chiffons]

Les passions ressemblent à des guenilles, l’élément de Tathagata est comme une précieuse image.

121
Soit une effigie du Vainqueur en matières précieuses,
Enveloppée de chiffons écoeurants,
Et un être divin qui la voyant abandonnée sur le chemin,
En parle à un passant afin qu’il la découvre.

122
De même que cet être divin, celui dont l’œil est sans obstacle,
Qui voit même chez les bêtes,
La réalité du Sugata lui-même enfouie sous diverses passions,
Révèle les méthodes de sa libération.

123
L’oeil divin qui voit sur le chemin cette effigie de précieuse nature
Enfouie dans des chiffons nauséabonds, la montre aux hommes afin qu’ils la libèrent.
De même le Vainqueur, voyant sur le chemin du samsara, même chez les animaux,
L’élément prisonnier des guenilles des passions, leur montre le Dharma en vue de sa libération.

[La femme enceinte]

Les passions ressemblent à une femme enceinte, l’élément de Tathagata est tel un monarque universel dans les grands éléments embryonnaires :

124
Soit un femme laide, sans protection
Qui vit dans un asile de pauvres,
Qui porte en son sein une gloire royale,
Et ignore qu’en son ventre vient le maître des hommes.

125
La naissance dans le cycle revient à vivre dans un asile de pauvres,
Et les êtres impurs ressemblent à cette femme enceinte.
Puisque qu’elle porte un vainqueur, elle a un protecteur :
L’élément immaculé ressemble [au monarque] présent en sa matrice.

126
Bien qu’elle porte en son sein le Seigneur de la terre
La femme laide et salement vêtue endure les pires souffrances dans un asile de pauvres.
De même, s’imaginant abandonnés alors qu’en eux se trouve un protecteur,
Les êtres dont l’esprit s’agite sous l’emprise des passions, demeurent en des lieux de la souffrance.

[La statue d’or dans son moule de terre]

Les passions ressemblent à un moule d’argile, l’élément de Tathagata est comme une statue en or :

127
Une statue en or, refroidie dans [son moule]
Possède de l’extérieur la nature de la terre.
Ceux qui savent la voient : ils ôtent les couches extérieures
Afin de révéler l’or intérieur et pur.

128
Percevant la claire lumière naturelle
Et les souillures adventices
Des destinées semblables à des mines de joyaux,
L’être d’éveil suprême les lave de leurs voiles.

129
Sachant qu’est apaisé le feu de la statue d’or pur
Confinée dans d’argile, l’orfèvre la révèle.
De même, l’omniscient connaît l’or pur de l’esprit apaisé,
Manie l’outil de la doctrine, martèle, et en ôte les voiles.

[Le sens résumé des exemples]

130
Dans le lotus, [parmi] les abeilles,
Dans la balle [du grain], les saletés, la terre,
La peau du fruit, les haillons,
La matrice d’une femme, et l’enveloppe d’argile;

131
Comme le Bouddha, le miel, le grain,
L’or, le trésor, le grand arbre,

132
La précieuse statue, le monarque universel
Et la statue en or,
Il est dit qu’en tous temps,
L’élément des vivants n’est pas lié à l’enveloppe des passions,
Que la nature immaculée de l’esprit
Est [telle] depuis toujours.

En bref, cet exposé des exemples du Soutra de l’essence de Tathagata montre le caractère adventice des perturbations de l’élément de tous les vivants sans exception, de l’esprit sans obstacles, et enseigne le caractère indifférencié de l’esprit sans origine et des qualités pures qui s’élèvent avec lui. C’est pourquoi le Bouddha a dit :

A cause des passions de l’esprit, les vivants sont en proie aux passions ;
[Mais] grâce à la pureté de leur esprit, ils sont purs.

[Les neuf types de souillures]

Ici, quelles sont les perturbations de l’esprit présentées dans les neuf analogies, les pétales de lotus et les autres ?

133
L’attachement, l’aversion et la confusion,
Leur intense émergence, les imprégnations,
Les impuretés abandonnées sur les voies de la vision et de la méditation,
Les souillures des terres pures et impures.

134
tels sont les neuf types de souillures
Illustrés par les analogies : l’enveloppe du lotus et les autres.
Mais [le nombre] des enveloppes des passions secondaires
Excède les dix millions.

En résumé, bien que l’élément du Tathagata, la statuette du Bouddha, etc., soit parfaitement pur par nature, neuf types de passions, l’enveloppe du lotus, etc., existent de manière adventice. Quels sont-elles ?

1) Les perturbations latentes du désir-attachement.

2) Les perturbations latentes de l’aversion.

3) Les perturbations latentes de la confusion.

4) Celles que caractérise l’intense émergence du désir-attachement, de l’aversion et de la confusion.

5) Celles qui forment la terre des imprégnations de l’ignorance.

6) Celles qui sont à abandonner par la vision.

7) Celles qui sont à abandonner par la méditation.

8) Celles dont les terres impures sont le support.

9) Celles dont les terres pures sont le support.

Il y a tout d’abord les perturbations du continuum de l’esprit des vivants libérés des désirs et attachements mondains, qui sont notamment la cause de formations [karmiques] figées qui établissent les domaines de la forme et du sans-forme. Elles devront être vaincues par la sagesse primordiale supramondaine et il est dit « qu’elles ont le caractère latent du désir-attachement, de l’aversion et de la confusion ». (1, 2, 3)

Il y a ensuite celles du continuum de l’esprit des vivants soumis au désir-attachement, qui sont la cause de formations vertueuses et non vertueuses. Elles établissent uniquement le domaine du désir et devront être vaincues par la contemplation, notamment celle des aspects repoussants. Il est dit « qu’elles ont pour caractéristique l’intense émergence du désir-attachement, de l’aversion et de la confusion. » (4)

[Les perturbations] du continuum de l’esprit des arhats sont la cause des actions non souillées créatrices du corps de nature mentale immaculé. Elles devront être vaincues par la sagesse primordiale de l’éveil du Tathagata. Il est dit «qu’elles constituent la terre des empreintes de l’ignorance. » (5)

Par ailleurs, deux types de personnes étudient les enseignements : les êtres ordinaires et les êtres nobles. [Les perturbations] du continuum de l’esprit des êtres ordinaires qui apprennent devront être vaincues par le savoir [issu] de la vision de la réalité supramondaine sur la première terre. Il est dit « qu’elles doivent être abandonnées au moyen de la vision ».(6)

[Les perturbations] du continuum de l’esprit des êtres nobles qui étudient devront être vaincues par la connaissance [issue] de l’accoutumance à la réalité supramondaine telle qu’elle a été perçue [sur la première terre]. Il est dit « qu’elles doivent être abandonnées au moyen de la méditation ». (7)

[Les perturbations] du continuum de l’esprit des bodhisattvas qui n’ont pas atteint l’ultime perfection sont les facteurs inharmonieux des sept [premières] terres de sagesse. Elles devront êtres vaincues par la contemplation des trois [dernières terres], la huitième et les suivantes, et il est dit « qu’elles ont les terres impures pour support ». (8)

[Les perturbations] du continuum de l’esprit des bodhisattvas qui ont atteint l’ultime perfection sont les facteurs inharmonieux de la contemplation des trois [dernières] terres, la huitième et les autres.

Elles devront être vaincues par la sagesse primordiale de l’absorption méditative semblable au vajra et il est dit « qu’elles ont les terres pures pour support ». (9)

135
Les neuf perturbations, l’attachement et les autres,
Sont résumées dans l’ordre
Par les neuf analogies, dont l’enveloppe du lotus,
Qui les illustrent parfaitement.

Il est dit que l’essence de tathagata est couverte par [plus de] dix millions d’enveloppes [formées par] les perturbations, lesquelles sont classées dans le détail en quatre-vingt-quatre mille groupes. Leur nombre est infini, à la mesure de la sagesse première du Tathagata.

136.
Les êtres puérils, les arhats,
Les disciples et les sages
Sont entachés respectivement par quatre,
Une, deux puis deux impuretés.

Le victorieux a dit que tous les vivants possèdent l’essence de tathagata. Ici, « tous les vivants » signifie quatre types de personnes : les êtres ordinaires, les arhats, les étudiants et les bodhisattvas. Il est montré qu’ils sont impurs en l’étendue immaculée en raison de quatre [types] de perturbations, puis un, deux et encore deux, respectivement.

De quelle manière doit-on connaître les similitudes entre ces neuf perturbations – le désir-attachement et les autres -, et [les analogies] – les pétales de lotus et les suivants – ? Et comment doit-on comprendre l’analogie entre l’élément du Tathagata, l’image du Bouddha, et les autres exemples ?

137
Face au lotus né de la boue,
L’esprit se réjouit ;
Plus tard, la joie s’évanouit.
Ainsi en est-il de la joie du désir.

138
De même que les abeilles
Plantent leur dard lorsqu’elles sont excitées,
La colère qui surgit
Apporte la souffrance du cœur.

139
De même que les graines et les fruits
Sont couverts d’une peau extérieure,
La vue de l’essentielle réalité
Est troublée par la coquille de l’ignorance.

140
Les immondices sont répugnantes,
Tout comme est abjecte l’émergence [des passions] :
Elle est la cause qui entretient les désirs
De ceux qui leur sont attachés.

141
de même que la richesse cachée
Ne peut être obtenue d’un trésor inconnu.
De même, la nature spontanée des êtres
Est enfouie sous la terre des imprégnations de l’ignorance.

142
La croissance progressive de la pousse
Brise la balle du grain
Tout comme la vue de l’ainsité
Détournera de ce qu’il faut abandonner [sur le chemin] de la vision.

143
Ceux qui sont engagés sur le sentier des nobles
Ont triomphé pour l’essentiel [de la vue] de l’individualité.
Il est dit que sur la voie de la méditation, les objets abandonnés
par la sagesse ressemblent à des vêtements déchiquetés.

144
Les souillures des sept [premières] terres
S’apparentent à celles de l’enveloppe de la matrice.
La sagesse primordiale non conceptuelle est comme la parfaite maturation,
La séparation d’avec le cocon matriciel.

145
Les souillures associées aux trois terres suivantes,
Sont telle une couche de boue.
Elles sont détruites par les grands êtres
Dans l’absorption de la vision adamantine.

146.
Les neuf souillures, l’attachement et les autres,
Sont pareilles au lotus, aux abeilles, etc..
L’élément ramené à sa triple nature,
Est par ses qualités semblables au Bouddha, au miel, etc.

On comprendra l’élément purifié de l’esprit selon les trois aspects de la nature de l’essence de Tathagata, en accord avec les neuf analogies, l’image du Bouddha et les autres. Quelle est cette triple nature ?