Commentaire de la continuité sublime – page 9

Commentaire de la continuité sublime – page 9

 

[La triple nature de l’élément]

147
Sa nature : le corps de réalité,
L’ainsité, et la filiation,
Sera connue par trois,
Une et cinq analogies.

Par les trois exemples de l’image du Bouddha, du miel et du cœur de la graine, on saura que l’élément spirituel a pour nature le corps de réalité ; par le seul exemple de l’or, qu’il a pour nature l’ainsité ; par les cinq exemples du trésor, de l’arbre, de la précieuse image, du monarque universel, et de la statue d’or, on saura que l’élément spirituel a pour nature la filiation, source des trois corps du Bouddha. Qu’en est-il du corps de réalité ?

148
Le corps de réalité sera connu sous deux aspects,
L’étendue immaculée de la réalité
Et sa cause correspondante1C’est à dire les deux corps de formes qui oeuvrent au bien d’autrui, le corps d’expé- rience parfaite et le corps d’émanantion :
L’enseignement des méthodes et des moyens variés.

Le corps de réalité du Bouddha sera compris selon deux aspects:

1) Domaine très pur de l’immensité de la réalité, objet de l’expérience non conceptuelle, il sera connu comme la réalité qui est l’objet de l’intuition individuelle des tathagatas.

2) Cause de son obtention : cause conforme à l’étendue très pure de la réalité et source d’intelligence pour autrui adaptée aux [capacités] d’apprentissage, il sera connu du point de vue du dharma de l’enseignement.

Il y a également deux types d’enseignement, relatifs aux différents modes de présentation, subtils ou extensifs :

– Du point de vue de la vérité de sens ultime, il est le mode de présentation des enseignements profonds de la corbeille des bodhisattvas.

– Du point de vue de la réalité relative, il est le mode de présentation des multiples soutras, proclamations chantées, prophéties, proclamations en vers, des aphorismes et narrations qui enseignent les modes d’accomplissement de la réalité.

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Puisque [cet élément] est au-delà du monde,
Et puisque rien ne l’illustre en ce monde,
Est enseignée la similitude
De l’élément et du Tathagata.

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Les enseignements des modes profonds et subtils
Sont comme l’unique saveur du miel.
Les enseignements des modes aux aspects divers
Seront connus comme les grains dans leurs balles diverses.

Ainsi, concernant le sens de « corps de réalité du Tathagata pénétrant le domaine des vivants sans exception », il est enseigné par les trois exemples de l’image du Bouddha, du miel et de la graine que « les vivants possèdent l’essence de tathagata ». Il n’y a pas un seul être de la sphère des vivants qui soit extérieur au corps de réalité du Tathagata, de même [qu’il n’est pas une seule] forme [qui soit extérieure à] l’espace.

Il est dit [dans l’Ornement des soutras du grand véhicule, 9.15] :

Tout comme on affirme que l’espace pénètre toujours tout,
De même on affirme que [le corps de réalité] pénètre toujours tout.
Tout comme l’espace s’étend à toute forme,
De même [le corps de réalité] s’étend à tous les êtres.

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Puisqu’elle est de nature immuable,
Vertueuse et pure,
On compare l’ainsité
A une forme en or.

L’esprit lui-même, alors qu’il subséquemment2Tib: rjes su ‘brel kyang. lié à des perturbations et souffrances sans limites, ne montre aucun changement car il est claire lumière naturelle. On l’appelle « ainsité » en ce sens qu’il est inaltérable, à l’instar de l’or fin.

De plus, [l’ainsité] n’est pas différente en sa nature chez tous les vivants, même s’ils sont porteurs de la cause certaine de l’erreur. Une fois purifiée des passions adventices, elle sera reconnue comme le Tathagata. Ici, il est enseigné par l’unique exemple de l’or selon la perspective de son caractère indifférencié, que « l’ainsité du Tathagata est l’essence des êtres ». Evoquant la réalité non-duelle et très pure de la nature de l’esprit, le Victorieux à dit [dans le Soutra de l’Ornement des apparences de la sagesse première qui pénètre les domaines de tous les bouddhas]:

Manjushri ! Le Tathagata est protégé car il connaît parfaitement les racines fondamentales de l’appropriation du soi; par sa propre purification, il a pénétré la pureté de tous les vivants. Sa propre pureté est celle-là même de tous les vivants : celles-ci ne sont pas deux et ne peuvent être différenciées.

Egalement, dans [l’Ornement des soutras du grand véhicule, 9.37] :

Aussi, bien qu’elle soit indifférenciée en tous,
L’ainsité devenue pure
Est le tathagata lui-même :
C’est pourquoi tous les êtres en possèdent l’essence.

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Semblable à un trésor, à l’arbre issu du fruit.
La filiation sera connue sous deux aspects :
Naturellement présente depuis toujours,
Et suprême perfection acquise par la suite.

153
Des deux aspects de la filiation
Sont obtenus les trois corps d’un Bouddha.
Du premier le premier corps
Du second, les deux suivants.

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La splendeur du corps de nature essentielle
Sera connue comme une précieuse statue
Car il est par nature incréé,
Un trésor de précieuses qualités.

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Puisqu’il embrasse la sphère majestueuse du vaste enseignement,
Le corps d’expérience parfaite ressemble à un monarque universel.
Puisque sa nature est représentation,
[Le corps] d’émanation ressemble à la statue en or.

Ici, du point de vue de la lignée en tant que source des trois sortes de corps de bouddha, il est enseigné par les cinq exemples restants – du trésor, de l’arbre fruitier, de la précieuse image, du monarque universel et de la statue en or – que l’élément spirituel du Tathagata est l’essence de tous les êtres.

L’état de Tathagata se distingue vraiment par les trois types de corps de bouddha ; puisque l’élément du Tathagata est la cause [de leur] obtention, « élément » possède ici le sens de « cause ». C’est pourquoi il est dit :

L’essence accomplie de l’élément du Tathagata existe vraiment en les êtres à l’état émergent3Traduction incertaine: sems can la de bzhin gshegs pa’i khams ‘grub pa’i snying por gyur pa yod mod, mais ils ne le savent pas.

Par ailleurs, [dans l’Abhidharmasutra]:

L’élément spirituel sans commencement
Est le fondement de tous les phénomènes.
Puisqu’il est présent, toutes les destinées,
Ainsi que le nirvana, sont obtenues.

Dès lors, comment est-il sans commencement ? Concernant l’essence du Tathagata, il a été bien établi et enseigné que « sa limite dans le passé n’est pas vue ».

Au sujet de l’expression « élément », il a été dit [dans le Rugissement de lion de la princesse Shrimala]:

Ô Victorieux ! Cette essence de Tathagata est l’essence des qualités transcendantes, l’essence des qualités naturellement pures.

Et au sujet de l’expression « fondement de tous les phénomènes »,[dans le même soutra] :

Ô Victorieux ! C’est pourquoi l’essence de tathagata est le domaine, la fondation et le support de tous les phénomènes inconditionnés unis, indifférenciés, qui ne sont pas connus séparément4La traduction de la citation par Rngok Loden sherab indique bral mi shes pa (traduit ici) , et celle qui figure dans le kangyur propose grol ba’i shes pa qui signifie connaissance libérée ou de la libération. Takasaki traduit du sanskrit par « unrealeased from wisdom » ; Obermiller élude en ne traduisant pas. Karl Brunnholzl qui traduit du sanskrit parle de phénomènes qui ne peuvent pas être réalisés comme étant divisibles de l’essence de Tathagata. Voir discussion de Ruegg (TTG. p. 358-359)..
Ô victorieux ! L’essence de Tathagata est aussi la fondation, le domaine et le support de tous les phénomènes conditionnés distincts, séparables et connus séparément5Idem: Rnok traduit par bral shes pa (traduit ici) et le kangyur indique shes pa grol ba ma, non-libération de la connaissance, ou connaissance non libérée. Takasaki traduit du sanskrit par « separated from wisdom »; Obermiller élude en ne traduisant pas..

Au sujet de l’expression « Puisqu’il existe, existent toutes les destinées », [dans le même texte] :

Ô Victorieux, puisque l’essence de Tathagata est présente, elle est désignée par le mot « samsara ».

Au sujet de l’expression « obtention du nirvana », [le soutra poursuit] :

Ô Victorieux, s’il n’y avait pas, même dans la souffrance, l’essence du Tathagata, alors il n’y aurait pas de rejet [de la souffrance], pas de désir, d’aspiration et d’effort pour l’obtention du nirvana.

L’essence de tathagata, aussi vaste que le corps de réalité, à pour nature la filiation certaine6Etat de bouddha garanti ! et pour caractéristique d’être inséparable du Tathagata, en tout temps et en toute vie. Ceci doit être vu comme la perception valide de la véritable nature de la réalité. Il a été dit [dans le Soutra de l’essence de tathagata]:

Fils de famille ! Ceci est la véritable nature de la réalité des phénomènes ! Que les tathagatas apparaissent ou n’apparaissent pas, les vivants possèdent toujours l’essence de tathagata !

L’ainsité qui est la vraie nature est ici le principe, l’approche, et le moyen [d’établir] ce qui « est juste ainsi et n’est pas autrement »7Autrement dit, l’ainsité est la réponse à « Pourquoi ceci plutôt que cela ?». C’est à la fois la justification « logique », la mise en oeuvre et la modalité de la réalité..

Dans tous les cas, la compréhension définitive de l’esprit – sa connaissance correcte -, est la réalisation et le principe de la vraie nature. Cette [ainsité] ne peut être pensée ou conçue : elle est uniquement l’objet de l’aspiration fervente.

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Le mode ultime des nés-d’eux-mêmes
Se réalise dans la foi.
Qui n’a d’yeux ne peut voir
La lumière flamboyante du cercle du soleil.

On établit en bref quatre types de personnes auxquelles manquent l’oeil qui perçoit l’essence de Tathagata. Quelles sont-elles ? Les êtres ordinaires, les auditeurs, les bouddha-par soi et les boddhisattvas engagés depuis peu dans le grand véhicule. Il a été dit [dans le Rugissement de lion de la princesse Shrimala]:

Ô victorieux ! Cette essence de Tathagata n’est pas du domaine d’expérience de ceux qui sont tombés dans la vue d’une existence individuelle, de ceux qui sont attachés à l’erreur et de ceux dont l’esprit est détourné de la vacuité.

Ici, « ceux qui sont tombés dans la vue d’une existence individuelle » sont les êtres puérils ordinaires. En posant toujours un « soi » et un « mien » pour les phénomènes contaminés, les agrégats et autres, ils adhèrent à un « je », affectionnent la conception d’un « mien » et ne peuvent aspirer à l’étendue immaculée où cessent toutes choses mondaines et transitoires. La réalisation suprême de l’essence de tathagata, objet de l’omniscience, leur est impossible.
« Ceux qui sont attachés à l’erreur » sont les auditeurs et les bouddhas-par-soi. Pourquoi ? Bien qu’il faille méditer sur la permanence de l’essence de Tathagata, ils se complaisent dans la méditation répétée de la notion d’impermanence plutôt que de méditer sur la notion de permanence. Bien qu’il faille méditer la félicité de l’essence de Tathagata, ils se complaisent dans la méditation répétée de la notion de « souffrance » plutôt que de méditer la notion de félicité. Bien qu’il faille méditer le soi de l’essence de tathagata, ils se complaisent dans la méditation répétée de l’absence de soi plutôt que de méditer sur la notion de soi. Bien qu’il faille méditer la pureté de l’essence du Tathagata, ils se complaisent dans la méditation répétée de la notion d’impureté plutôt que de méditer la notion de pureté.

Ainsi, cette énumération montre que l’élément spirituel caractérisé par l’éternité, la félicité, le soi et la beauté suprêmes n’est pas même du domaine d’expérience des auditeurs et des bouddhas-parsoi puisqu’ils se complaisent sur un chemin contraire à l’obtention du corps de réalité. Dans le Soutra du grand au-delà des peines, par la parabole du précieux joyau tombé dans l’eau d’un lac, le Victorieux établit dans le détail que [l’élément] n’est pas du domaine d’expérience de ceux qui se complaisent dans l’erreur et sont empreints des notions d’impermanence, de souffrance, d’absence de soi et d’impureté :

Ô moines ! Prenons l’exemple d’une journée à la fin du printemps où des hommes, ayant rassemblés leurs vêtements [sur les bords d’un étang après les avoir lavés], commencent à s’ébattre dans l’eau, chacun portant ses propres ornements. Supposons que l’un d’eux fasse tomber dans l’eau un joyau de lapis-lazuli de [grande] origine, et que les hommes se départissent alors de toutes leurs parures, puis plongent et recherchent la pierre de vaidurya. Prenant pour le joyau les graviers et les petits cailloux, ils s’en saisissent et pensent « j’ai le joyau!». Mais après les avoir amenés et considérés sur les rives de l’étang, ils se rendent compte que ce n’est pas le joyau ! Supposons à présent que par le pouvoir du lapis-lazuli, l’eau du lac resplendisse de ses lumières et que, pénétrés de cette apparence, les
hommes aient dans ce reflet la perception des qualités de cette gemme merveilleuse: un homme perspicace et doué pourrait alors la retrouver !
Ô moines ! Vous qui êtes ignorants de la véritable ainsité des phénomènes semblable à un joyau, vous méditez de manière répétée et récurrente, avec la pleine appréhension que tout est impermanent, tout est souffrance, tout est absence de soi et tout est déplaisant ! Mais toutes ces pratiques répétées n’ont aucun sens !
Ô moines ! C’est pourquoi vous devez être habile dans les méthodes [pour éviter] l’influence [de conceptions] semblables aux graviers et cailloux de l’étang !
Ô moines, en cela même sur quoi vous méditez de manière répétée et récurrente, avec la pleine appréhension que tout est impermanent, tout est souffrance, tout est absence de soi et tout est déplaisant, se trouvent la permanence, la félicité, la pureté et le soi.

Ainsi devrait être compris, dans le détail et selon ce soutra, l’enseignement sur ceux qui se méprennent au sujet de la présentation de l’authentique telléité des phénomènes.

Enfin, « ceux dont l’esprit s’est écarté de la vacuité » sont les bodhisattvas engagés depuis peu dans le grand véhicule, dépourvus [de la compréhension] de l’essence de tathagata selon le mode de la vacuité.

Certains soutiennent que la porte de la délivrance de la vacuité à pour objectif la destruction des choses, un nirvana qui serait destruction à venir et cessation du continuum de la réalité existante. D’autres s’appuient sur une vacuité objective, une vacuité qui existerait comme une chose distincte des formes et du reste, une vacuité à comprendre et à méditer.

Ceci étant, qu’est ce que l’essence de Tathagata exprimée selon le mode de la vacuité ?

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Ici, il n’y a rien à enlever
Et pas la moindre chose à ajouter,
La vue correcte de l’authentique réalité,
En sa vision parfaite, est la complète libération.8Cette stance est identique à la dernière des Stances de l’essence de la production en dépendance de Nagarjuna. rten cing ‘brel par ‘byung ba’i snying po’i tshig le’ur byas pa Toh. 3837 – C’est aussi la stance V.21 de l’ abhisamayālaṃkāra de Maitreya.

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L’élément est vide de [souillures] adventices
Qui ont pour caractère d’en être séparables.
Il n’est pas vide des qualités insurpassables
Qui ont pour caractère d’en être inséparables.

Qu’enseignent ces stances ?

Il n’y a pas le moindre facteur de perturbation qui soit à retirer de l’élément du tathagata – par nature très pur – puisqu’il est en sa nature séparé des souillures adventices. De plus, il n’y a pas le moindre facteur de purification qu’il faille lui ajouter puisqu’il est en sa nature indivisible des pures qualités. Il est dit [dans le Rugissement de lion de la princesse Shrimala]:

L’essence de tathagata est vide de toutes les enveloppes des passions, qui sont distinctes et séparées d’elle. Elle n’est pas vide des qualités éveillées en nombre inconcevable, plus nombreuses que les grains de sable du Gange, qui ne diffèrent pas d’elle et qui en sont inséparables.

Ainsi, en quelque endroit où quelque chose manque, il est observé de manière tout à fait juste que « cet endroit est vide de cette chose » et que ce qui reste « est toujours présent », « exactement tel quel ».

Ces deux vers enseignent sans erreur la caractéristique de la vacuité libre des extrêmes de surimposition et de dépréciation. C’est pourquoi, en rapport avec cela, on appelle « personnes dont l’esprit s’est écarté de la vacuité » celles qui se dispersent et ne s’établissent pas dans l’égalité et la concentration et dont l’esprit, entraîné vers l’extérieur, est distrait du mode de la vacuité. Ainsi, sans la sagesse première de la vacuité de sens ultime, il est impossible de pénétrer et de constater directement l’étendue pure et non-conceptuelle. Par rapport à cela, il a été dit en détail [dans le Rugissement de lion de la princesse Shrimala]:

La sagesse primordiale de l’essence de Tathagata est la sagesse primordiale de la vacuité des tathagatas. L’essence de tathagata n’a jamais été vue ou réalisée par les auditeurs et les bouddha-par soi.

Ainsi, il est dit de l’essence de tathagata en tant qu’essence du corps de réalité, qu’« elle n’est pas du domaine d’expérience de ceux qui sont tombés dans la vue d’une existence individuelle » car l’étendue de la réalité est l’antidote des vues.

Il est dit qu’en tant que corps de réalité et essence supramondaine, « il n’est pas du domaine d’expérience de ceux qui se complaisent dans l’erreur » puisque le corps de réalité supramondain est enseigné comme l’antidote aux phénomènes mondains, à l’impermanence, etc..

Il est dit qu’en tant que corps de réalité, essence des phénomènes parfaitement purs, « il n’est pas du domaine d’expérience de ceux dont l’esprit s’est écarté de la vacuité » puisque le corps de réalité supramondain, indifférencié de la réalité en raison de ses qualités pures, est vide par nature des souillures adventices.

Quant à la réalisation au moyen de la sagesse première indifférenciée de l’étendue de la réalité au mode unique, laquelle est la vision de la pureté naturelle du corps de la réalité supramondaine, il est dit « que les bodhisattvas qui demeurent en les dix terres ont seulement un aperçu de l’essence de tathagata ». Ceci affirme que la réalisation est la vision complète de la sagesse primordiale de l’ainsité telle quelle. Il a été dit :

Comme on discerne le soleil [entre] les nuages du ciel,
Les nobles dont l’œil de l’esprit est pur et l’intelligence incomplète ne le voient qu’en partie.
Ô Victorieux, ceux dont l’intelligence est infinie voient la totalité:
Ton corps de réalité qui embrasse l’étendue illimitée du ciel des connaissables.

[Les raisons de cet enseignement]

Mais, dira-t-on, si l’élément spirituel est aussi difficile à voir, s’il n’est pas même un objet complètement [perçu] par les êtres nobles et sublimes de la terre d’accomplissement du non-attachement, en quoi cet enseignement est-il utile aux êtres puérils et ordinaires ?
Les deux stances suivantes résument le propos de cet enseignement : la première est une question, la deuxième est sa réponse.

159
Il a été dit ici et là que le connaissable dans tous ses aspects,
Est vide en tous points, semblable aux nuages, à l’illusion, au rêve.
Pourquoi donc les Vainqueurs enseignent-ils ici
Que l’essence de Bouddha existe en tous les êtres ?

160
Il est dit que le découragement, le mépris pour les êtres inférieurs,
La non-appréhension du vrai, la dépréciation des qualités réelles,
L’attachement à soi-même sont les cinq défauts majeurs9Tib: lhag pa’i skyon lnga. lhag pa n’est généralement pas traduit ! (abhika dans le texte sanskrit – supérieures ou restantes voire résiduelles). Traduire par « résiduelles» est quelque peu polémique car cela peut laisser entendre que les enseignements du second tour de roue ne sont pas complets ou définitifs et ouvrent la porte à ces lacunes. Cette traduction malheureusement incertaine à le mérite de réduire la possibilité d’une telle interprétation.
Auxquels doivent renoncer ceux en qui ils se trouvent.

Le sens de ces deux stances sera connu en bref par les dix stances qui suivent :

161
La limite du vrai dans tous ses aspects
Est isolée de toutes choses composées,
De sorte que les perturbations, les actes et leur maturation
Sont présentés comme semblables aux nuages, etc..

162
Les passions ressemblent aux nuages,
Les actes à l’expérience des rêves ;
Les agrégats, maturation des perturbations et des actes,
Sont telles des émanations illusoires.

163
Jusqu’à présent, cela fut présenté ainsi,
Mais ici, [ce traité de] la sublime continuité,
Enseigne en plus l’existence de l’élément
Afin que les cinq fautes soient abandonnées.

164
Ainsi, chez ceux qui ne l’ont pas entendu,
Qui ont à tort le mépris de soi-même
Et dont l’esprit est abattu,
L’esprit d’éveil ne s’élèvera pas.

165
Chez ceux qui ont produit l’esprit d’éveil
Et se vantent en pensant qu’ils en sont supérieurs,
A pénétré l’idée de l’infériorité
De ceux en qui l’esprit d’éveil ne s’est pas élevé.

166
Chez ceux qui pensent ainsi
Ne naît pas la connaissance juste :
Ils adhèrent donc à ce qui n’est pas vrai,
Et le sens véritable leur demeure inconnu.

167
Puisqu’ils sont artificiels et adventices,
Les défauts des vivants ne sont pas réels.
La réalité de leurs fautes est leur absence de soi ;
Les qualités sont naturellement pures.

168
En s’en tenant aux défauts irréels
Tout en dépréciant les qualités réelles,
Les êtres intelligents n’atteindront pas l’amour
Qui est vision d’égalité des autres et de soi-même.

169
Ainsi, en celui qui écoute cet [enseignement],
Naît l’enthousiasme, un respect égal [pour autrui] et le Maître,

170
Le discernement, la sagesse primordiale et le grand amour.
De l’émergence de ces cinq qualités,
Privé d’erreur, d’une vision égale,
Libre des fautes et doté d’excellences,
Aimant autrui comme lui-même,
Il parviendra rapidement à l’état de Bouddha.

171
« L’essence de Tathagata » : premier chapitre du « Traité de la continuité sublime du grand véhicule, analyse de la lignée spirituelle des [trois] joyaux » dont la première stance résume le sens10Voir l’erreur de traduction de Rngok Loden Shérab..