Commentaire de la continuité sublime – page 7

Commentaire de la continuité sublime – page 7

 

Cette stance (66) possède une autre signification :

69
Les fils des vainqueurs pénètrent la nature immuable,
[Mais] ceux que l’ignorance aveugle
Perçoivent [en eux] la naissance et le reste.
Voilà qui est vraiment merveilleux :

70
Ils ont atteint le domaine d’activité des nobles
Et se montrent en celui des êtres immatures.
C’est pourquoi sont suprêmes
Les méthodes et la compassion de ces amis des êtres.

71
Bien qu’ils soient au-delà de l’ensemble des mondes,
Ils ne s’écartent pas du monde ;
Ils œuvrent pour le monde, dans le monde,
Sans être maculés par les souillures du monde.

72
Comme le lotus né de l’eau
N’est pas souillé par [la boue de] cette eau,
[Les nobles] viennent au monde
Et ne sont pas souillés par les choses du monde.

73
Pour accomplir leur tâche, leur intelligence toujours
Irradie comme un feu ;
Dans la paix de l’absorption méditative,
Ils demeurent sans faillir dans l’équanimité.

74
Puisque l’élan [spirituel] qu’ils ont acquis
Les affranchit de tout concept,
Ils oeuvrent sans effort
Pour amener les êtres à la maturité.

75
Ils savent [toujours] à propos
Qui éduquer et de quelle manière,
Par l’enseignement, les corps de forme
Les voies de la conduite et de l’action.

76
Forts de cette intelligence sans entraves,
Ils oeuvrent toujours spontanément
Pour les vivants
Qui peuplent l’espace infini.

77
La méthode de libération des vivants
Des bodhisattvas accomplis,
Vaut dans le monde
Celle des tathagatas.

78
Pourtant, la différence entre le Bouddha et les bodhisattvas,
[Est celle qu’on constate]
Entre la terre et une particule,
Entre l’océan [et l’eau de pluie] dans l’empreinte du sabot d’un bœuf.

Neuf stances parmi ces dix prises dans l’ordre renvoient à l’état très perturbé qui précède la première terre de bodhisattva, « Très joyeuse ». La dixième se réfère à la pureté de « Nuages de dharma », la dixième terre.

Elles présentent brièvement la pureté et l’impureté des quatre sortes de bodhisattvas des dix terres:

1) Ceux qui ont engendré l’esprit d’éveil pour la première fois.

2) Ceux qui se sont engagés dans la pratique.

3) Ceux qui ne régressent plus.

4) Ceux qu’une seule naissance [sépare de la bouddhéité].

La première et la deuxième stance169 expliquent le caractère très pur des qualités des bodhisattvas qui ont produit l’esprit d’éveil, par leur vision de la réalité transcendante au niveau de la première terre – Très joyeuse -, vision qu’ils n’avaient jamais eue auparavant, depuis des temps sans commencement.

La troisième et la quatrième stance272 expliquent le caractère très pur des qualités des bodhisattvas engagés dans la pratique, en raison de leur conduite sans taches, de la terre « Immaculée » à la terre « Éloignement3La traduction tibétaine comporte une erreur et indique mi g.yo ba (Inébranlable)».

La cinquième stance473 explique le caractère très pur des qualités des bodhisattvas sans régression par leur établissement ferme et continu en la [huitième] terre « Inébranlable », dans l’absorption méditative de l’union qui conduit à l’obtention du grand éveil.

Les sixième, septième et huitième stances574-76 expliquent le caractère extrêmement pur des qualités des bodhisattvas qu’une seule naissance sépare de l’état de bouddha et qui demeurent en la terre « Nuages de dharma » : ils ont mené à la perfection toutes les méthodes d’accomplissement du bien d’autrui et de soi-même, puisqu’une dernière et unique naissance les sépare de la terre d’un Bouddha, de l’acquisition de l’insurpassable et parfait éveil.

Les neuvième et dixième stances677-78 expliquent les similitudes et les différences de qualités : celles des bodhisattvas qui ont accompli leur propre bien et celui d’autrui et celles du Tathagata.Vient ensuite une stance sur le thème de l’immutabilité de l’état d’extrême et parfaite pureté.

[L’état pur]

79
[L’élément] est en soi immuable car il possède des qualités inépuisables.
Refuge pour les êtres puisqu’il persiste sans limite finale,
Il est toujours non duel car non conceptuel ;
Ses qualités sont indestructibles car sa nature est incréée.

Qu’est-il montré dans cette stance ?

80
Il est sans naissance, sans mort,
Ni vieillissement ni dommages,
Parce qu’il permanent et stable,
Paisible et invariable.

81
Il ne naît pas d’un corps de nature mentale
Car il est permanent.
Il ne meurt pas des inconcevables transformations de la transmigration
Car il est stable.

82
Il n’est pas affecté par les maux des tendances subtiles
Car il est apaisé.
Il ne décline pas sous l’effet de formations immaculées
Car il est inaltérable.

Dès lors qu’on envisage une limite passée pour l’élément de tathagata sur la terre de Bouddha, où il réside en sa nature de claire lumière immaculée parfaitement pure, [on voit] qu’il ne naît pas, même d’un corps de nature mentale, parce qu’il est permanent.
Dès lors qu’on envisage sa limite dans le futur, [on voit] qu’il ne meurt pas des transformations inconcevables de la mort et des transmigrations, parce qu’il est stable.

Si on envisage ses limites, passée et future, [on voit] qu’il n’est pas affecté par l’influence des imprégnations de l’ignorance, car il est paix.
Ainsi, puisqu’il est invariable, cet [élément de tathagata] qu’aucune inconséquence n’altère66, n’est pas non plus [soumis] au vieillissement issu de la complète maturation du fruit des actions non souillées.

83
En combinant dans l’ordre deux à deux
Les vers des strophes précédentes,
On connaîtra par la permanence et le reste
Les modalités de l’élément non composé.

L’étendue non composée sera connue d’après les soutras par les mots « permanence », « stabilité », « paix », et « immutabilité », en prenant deux à deux et dans l’ordre les affirmations et les explications de leur sens respectif :

84
Puisqu’il possède des qualités inépuisables,
Il est immuable, réalité en soi de la permanence.
Puisqu’il équivaut à la limite ultime,
Il est en soi le refuge, réalité de la stabilité.

85
Puisqu’il est par nature dépourvu de concepts,
Il est la vraie nature, sans dualité, la réalité de la paix.
Puisque ses propres qualités ne sont pas fabriquées,
Il est en lui-même sans changement, réalité indestructible.

Il est dit [dans l’Enseignement de la non-diminution et non-augmentation] :

Shariputra ! Par ces qualités inépuisables, le corps de réalité est immuable : il est permanence. Shariputra ! Parce qu’il est semblable à la fin ultime du temps, le corps de réalité est un refuge ferme : il est stabilité. Shariputra ! Parce qu’il est dépourvu de concepts, le corps de réalité est sans dualité : il est paix. Shariputra! Puisque ses qualités ne sont pas fabriquées, le corps de réalité est indestructible et sans changement.

La stance suivante traite du sens de l’indivisibilité de l’état très pur de l’essence du Tathagata, de l’accomplissement ultime de la parfaite pureté :

86.
C’est pourquoi il est le corps de réalité, le Tathagata
La vérité des nobles, et l’ultime au-delà des peines.
Puisque ses qualités sont inséparables, tels le soleil et ses rayons,
Il n’y a d’autre nirvana que la bouddhéité.

Qu’est-il montré dans la première moitié de cette stance ?

87.
Les quatre divisions du mode
De l’étendue immaculée
Seront connues par quatre synonymes :
Le corps de réalité, [le Tathagata, etc.].

En résumé, l’étendue sans souillures de l’essence de Tathagata, sera connue par quatre synonymes selon quatre perspectives. Quelles sont elles?

88.
Les qualités du Bouddha sont indifférenciables,
La filiation spirituelle est actualisée telle qu’elle est.
La vraie nature ne trompe ni ne déçoit,
Elle est depuis toujours l’apaisement naturel.

Au sujet de l’indifférenciation des qualités du Bouddha, le [Rugissement de lion de la princesse Shrimala] indique :

Ô bienheureux, l’essence de Tathagata n’est pas vide des qualités indifférenciables du Bouddha qui ne peuvent être connues séparément, qui sont inconcevables et plus nombreuses que les grains de sable du Gange.

Au sujet de la réalisation par nature inimaginable de la filiation spirituelle, il est dit dans le [Soutra des six sources de connaissance]:

L’obtention de la vraie nature sans commencement provient de la continuité [de la filiation spirituelle] qui est telle une particularité des six sphères psychosensorielles.

Au sujet de l’absence de duplicité et de déception, il a été dit :

La vérité de sens ultime est le nirvana qui a pour qualité de ne pas décevoir. Pourquoi cela ? Parce que la filiation spirituelle est éternelle dans sa véritable nature toujours apaisée.

Au sujet de l’apaisement perpétuel, le [Soutra de l’Ornement des apparences de la sagesse première qui pénètre les domaines de tous les bouddhas] déclare:

Le Tathagata, l’arhat, le complet et parfait Bouddha, depuis des temps sans commencement est le nirvana lui-même, sans naissance ni cessation.

Ces quatre aspects correspondent dans l’ordre à quatre synonymes : le corps de réalité, le tathagata, la vérité de sens ultime et le nirvana. [L’enseignement de la non-diminution et non-augmentation] déclare :

Shariputra, « essence de Tathagata » est une appellation qui désigne le corps de réalité !

Et le [Rugissement de lion de la princesse Shrimala précise] :

Ô Victorieux, le Tathagata n’est autre que le corps de réalité !
Ô Victorieux, le corps de réalité est le Tathagata !
Ô Victorieux, l’appellation « cessation de la souffrance » révèle que le corps de réalité du Tathagata est pourvu de cette qualité.
Ô Victorieux, « étendue de l’eau delà des peines » est une appellation du corps de réalité du Tathagata.

Qu’est-il montré dans la deuxième partie de cette stance (86) ?

89
Tous les aspects du parfait éveil,
L’élimination des souillures et de leurs empreintes,
Bouddha et nirvana,
Au sens ultime ne sont pas différents.

Pourquoi cela ? Parce que les quatre synonymes de l’étendue immaculée résument la signification unique de l’élément du Tathagata.Puisque ces quatre ne font qu’un selon le mode non duel de la réalité, ce qui est appelé « bouddhéité» en raison du complet et parfait éveil à tous les aspects de tous les phénomènes, et ce qui est appelé « nirvana » en raison de l’abandon des souillures et des empreintes associées, sont tous deux indissociables et non séparés dans l’étendue sans taches.

90
La libération se distingue par l’indissociabilité
De ses qualités dans tous leurs aspects :
Innombrables, inconcevables et immaculées.
Cette libération est le Tathagata.7 Les traductions réalisées à partir du sanskrit par J. Takasaki et K. Brunnholzl incluent cette stance dans le commentaire sous la forme d’une citation. Pourtant, elle figure dans la traduction tibétaine du texte racine.

Concernant le nirvana des auditeurs et des bouddha-par-soi, il a été dit [dans le Rugissement de lion de la princesse Shrimala]:

Ô Victorieux ! Ce que l’on appelle « nirvana » est une méthode utilisée par les tathagatas.
Ô Victorieux, il est enseigné que le « nirvana» est un ermitage pour nomades épuisés après un long chemin, un moyen de ne pas faire demi-tour créé par les authentiques et puissants Seigneurs, les parfaits et complets bouddhas8Ceci fait référence à la parabole de la cité illusoire (le nirvana des auditeurs et des bouddhas-par-soi) du soutra du lotus (Ch. 7). En dépit des trois véhicules apparents, il n’y a qu’un seul véhicule pour parvenir à la bouddhéité. Ainsi, la voie d’éveil ne s’arrête pas au nirvana du petit véhicule, qui n’est qu’un point de repos, une astuce des tathagatas, un moyen habile qui permet de reprendre la route.. Parce qu’ils ont atteint le nirvana, les victorieux, les tathagatas, les arhats, les complets et parfaits bouddhas possèdent les qualités d’ultime complétude, inconcevabilité, immesurabilité et pureté ».

Il est expliqué ici que l’obtention du nirvana caractérisé par l’indissociabilité et l’accomplissement des quatre qualités est identique à la parfaite et complète bouddhéité, et que dès lors, puisque la bouddhéité et le nirvana ont des qualités inséparables, il n’y a pas d’obtention du nirvana qui soit autre que celle de la bouddhéité.

On comprendra d’après la parabole des peintres experts, que toutes les qualités des tathagatas sont [obtenues par] l’accomplissement en l’étendue immaculée, de la vacuité dans tous ses suprêmes aspects.

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Imaginons des artistes peintres aux multiples talents,
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Dont chacun connait une partie [du corps] sans en connaître d’autres,
Et qu’un puissant monarque leur offrant une toile leur dise:
« Peignez ensemble ma représentation ! »

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Et qu’entendant cela, ils se mettent à l’ouvrage.

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Imaginons que l’un d’eux doive soudain partir dans une autre région,
Et que celui-ci disparu, le tableau ne puisse être achevé dans toutes ses parties.
La parabole s’achève ici.

95.
Qui sont ces peintres ?
La générosité, la discipline, la patience, et les autres vertus,
Et le portrait demandé
Est celui de la vacuité dans tous ses suprêmes aspects.

On saura que les vertus prises séparément, la générosité et les autres, sont sans limite car chacune se décline dans le domaine du bouddha selon l’infinité de ses aspects. Elles sont donc inconcevables par leurs pouvoirs et leur nombre, et d’une suprême pureté car elles éliminent les empreintes des facteurs inharmonieux: l’avarice, la jalousie, etc…

Dès lors, puisque la vraie nature de l’absence de naissance est réalisée au moyen de la contemplation de la vacuité dans tous ses suprêmes aspects, toutes les qualités des tathagatas en l’étendue immaculée sont accomplies sur la base de l’intelligence du chemin qui procède d’ellemême9Tib: rang gi dang gis’jug pa’i lam shes pa la brten pas, sans concepts, ni naissance, ni interruption, sur la terre « Inébranlable » des bodhisattvas.

Sur la terre des bodhisattvas appelée « Bonne Intelligence », l’infinité des qualités est parfaitement accomplie sur la base de l’intelligence acquise des qualités illimitées du Bouddha, au moyen d’innombrables contemplations et formules de mémoire.

Sur la terre des bodhisattvas nommée « Nuages de dharma », l’inconcevabilité des qualités est accomplie sur la base de l’intelligence révélée des résidences secrètes10Traduction incertaine. Tib: gsang ba’i gnas lkog tu ma gyur pa’i shes pa la brten pas de tous les tathagatas.

Ensuite, afin d’atteindre la terre de Bouddha, les qualités de sublime et parfaite pureté sont véritablement accomplies sur la base de l’expérience de la libération des voiles des perturbations et de la cognition et de toutes leurs empreintes.

Puisqu’ils ne perçoivent pas ces quatre supports de la sagesse première des terres, les arhats et les bouddhas-par soi sont loin de l’étendue de l’au-delà des peines dont le caractère est indifférencié de la perfection des quatre types de qualités.

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La clarté, le rayonnement et la pureté
Du discernement, de la sagesse primordiale et de la libération,
Parce qu’ils sont indifférenciés,
Sont comparables à la lumière, aux rayons, et à l’orbe du soleil.

L’étendue de l’au-delà des peines, dont la nature est indifférenciée de l’accomplissement des quatre types de qualités au moyen du discernement, de la sagesse première et de la libération, est enseignée par l’exemple du soleil, selon trois aspects puis un seul, respectivement.

1) Parce qu’il participe à l’élimination des ténèbres [qui enveloppent] la sublime telléité des connaissables, le discernement supramondain et non conceptuel propre au continuum du Bouddha est semblable à la clarté lumineuse [du soleil].

2) Parce qu’elle pénètre sans exception tous les aspects de la réalité des connaissables, la sagesse première omnisciente obtenue par la suite est comparable au jaillissement du faisceau lumineux des rayons [du soleil].

3) Le support de ces deux, [le discernement et la sagesse première], est la libération de la nature de l’esprit, qui par sa claire luminosité et de son ultime pureté, s’apparente aux qualités de pureté de l’orbe du soleil.

4) Les trois aspects [précédents], par nature indistincts de l’étendue de la réalité, sont semblables aux qualités inséparables du soleil, [de sa luminosité, de ses rayons et de son orbe].

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En conséquence, la bouddhéité n’étant pas obtenue,
Le nirvana ne peut l’être non plus,
Tout comme on ne peut voir le soleil
Sans ses rayons ni sa lumière.

Depuis des temps sans commencement, l’élément est naturellement porteur de qualités vertueuses dont la vraie nature est indifférenciée des qualités du Tathagata. Il n’est donc pas possible d’expérimenter ou de réaliser le nirvana – dont la caractéristique est la libération de tous les voiles -, sans obtenir [l’état] de Tathagata accompagné de la vision de la sagesse première sans obstacles ni attachements, tout comme on ne peut voir le disque du soleil sans sa lumière et ses rayons.

C’est pourquoi il a été dit [dans le Rugissement de lion de la princesse Shrimala]:

Ô Victorieux, il n’y a pas de réalisation du nirvana [pour qui distingue] des phénomènes inférieurs ou supérieurs !
Ô Victorieux, la réalisation du nirvana est la similitude des phénomènes [révélée par] le discernement.
Ô Victorieux, le nirvana est pareil à la sagesse primordiale, pareil à la libération et pareil à la vision de sagesse première de la libération.
Ô Victorieux, c’est pourquoi il est dit que la sphère du nirvana est d’une seule saveur: le goût unique de la connaissance11 tib: rig pa et de la libération.

L’essence d’un vainqueur est ainsi présentée selon ces dix aspects.

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Sa situation dans l’enveloppe des passions
Sera connue par des exemples.